5. 8. 1. Premier voyage (16 mai – 17 juin 1912)

Baerts commence par expliquer le mobile de son voyage : « Comme on nous avait dépeint les « Bampende » comme une race excellente sous tous les points, le R.P. Janssens m’envoya pour juger « de visu » de l’état des choses » 3 .

La caravane part de Pangu en pirogue. Elle remonte la Lubwe jusqu’à la factorerie de Dumba « point terminus de navigabilité » 4 . Cette montée dure huit jours pleins. Baerts remarque que, partout, il a suffit de déclarer qu’il est « l’homme du bon Dieu » pour être « très bien reçu » et qu’on le « priait de venir au village » 5 . Tirant les conséquences de cet accueil chaleureux, il note : « C’est un signe évident que nous commençons à être connus et qu’on ne demande qu’à entrer en relation avec le Père. Ainsi à plusieurs reprises, le long de la rivière les gens me criaient en s’enfuyant « passez votre chemin !» et dès que je me faisais connaître « Nkumu Nzambi », « le Père », on m’appelait et on me priait de m’arrêter pour boire du malafu » 1 .

À partir de Dumba, le missionnaire fait une excursion de 15 jours dans la direction Nord-Est tout d’abord, ensuite il descend vers le sud jusqu’à la factorerie de Bienge (Katundu) pour revenir à Dumba. Il fait un compte-rendu de cette randonnée :

‘Au N.E. c’est la partie boisée, en plein pays Bampende. Villages nombreux, assez rapprochés, vivres en abondance et partout un accueil tel que je ne crois pas qu’on puisse en avoir de pareil chez les chefs Baluba. Partout on me faisait ressortir cent mille avantages pour construire une mission près du village me déconseillant fortement d’aller ailleurs : on promettait de faire le portage et les constructions (le paiement d’une charge est un kg de fer soit 0,70 fr prix C.K.). Partout on voulait me donner des moutons que j'ai dus naturellement refuser. Je ne pus refuser dans un grand village car avant que d’être assis, j’avais deux chèvres et du malafu et j’étais fêté et entouré.’ ‘De la Lubue, donc je suis remonté vers la Loanje jusqu’à l’ancien Dumba sur la Loanje, pour redescendre alors vers Bienge ; ici c’est le pays de plaine, sans le moindre bois et avec de rares ruisseaux. Ainsi de Bienge à Dumba nouveau, c’est une seule plaine de 60 kilomètres où il n’y a que les emplacements des villages signalés par des forêts de « mabondo », palmier raphia et pour le reste l’herbe et le caoutchouc des herbes. Dans deux villages Bambunda, la maladie du sommeil m’a été signalée par des mortalités assez nombreuses, partout ailleurs c’est un cas isolé. Dans le pays de plaine, la population est toujours excessivement dense et la factorerie de Bienge a besoin de 7 à 8 tonnes de sel par mois2

Baerts décrit les populations du bassin de la Lubwe :

‘Le long de la rivière on entre en communication d’abord avec les « Badinga ». Plus haut les Bakongo : un grand chef, « Kwilu », vint me voir dans un petit poste à la rive et me pria de venir chez lui et promit de me donner des enfants. Partout on m’offrait poules et bananes et partout ils avaient entendu parler des Pères. Les Bambunda me firent promettre de m’arrêter chez eux à la descente. En arrivant à Dumba je constatais de suite que la race des Bampende est une très belle race et qui aurait tôt fait de se convertir car ces gens sont excessivement bien disposés. Tout d’abord ils ne demandent qu’à entrer en relation avec le blanc. Ils font un portage intensif pour la C.K. et de nombreuses caravanes arrivent journellement en factorerie. Les agents à l’intérieur pour leurs voyages mensuels ont toujours des porteurs indigènes, tant Bambunda que Bampende. Quelques «  Bambunda » même sont travailleurs dans les factoreries. Et pour les sticks et tous les matériaux de construction, ils ont la main d’œuvre indigène. La population est excessivement dense, la femme Bampende a en moyenne quatre enfants et chez les Bambunda il y en a plus encore. Aussi on est vraiment étonné de voir tant d’enfants à telle enseigne que dans la factorerie les vingt à trente Baluba avaient chacun de 3 à 5 boys Bampende ou Bambunda comme porteurs d’eau ou pour chercher du bois de chauffage. Et j’ai compté jusqu’à 50 enfants dans la factorerie qui venaient rebattre du caoutchouc ou balayer pour un cop de sel par semaine 3 . ’

Le succès du Père Baerts est tel qu’il pense déjà à un second voyage :

‘Je suis rassuré qu’à un second voyage dans cette région de nombreux enfants se présenteraient car déjà maintenant des mères ont dû surveiller leurs enfants qui voulaient par force m’accompagner et trois grands chefs ont demandé spontanément à pouvoir venir à la Mission avec des moutons et des chèvres disant qu’ils conduiraient eux mêmes leurs enfants 1 . ’

La renommée des missionnaires les a déjà précédés dans cette région :

‘Déjà avant mon arrivée dans la contrée, un chef avait demandé passage sur une baleinière, à M. le gérant de Dumba pour venir offrir un cadeau aux Pères à Mpangu. Je crois qu’on aurait difficile à avoir de meilleures dispositions. Des enfants faisaient demander par l’intermédiaire de mes boys que le Père restât pour les enseigner et les porteurs et les boys en s’entretenant mutuellement disaient « Que les indigènes désiraient ardemment prier avec le Père ». Des enfants au service des Blancs ou ayant été en rapport avec les chrétiens ont demandé à leur Blanc ou au chrétien de leur donner le moyen pour venir à Mpangu 2 . ’

Baerts termine son récit par une brève description de la langue de la région et des activités économiques : « La langue du pays est une langue très euphonique ayant de nombreux rapprochements avec le Tshiluba.

Les indigènes s’adonnent à d’énormes plantations et des vivres abondent ; il y a des villages où il y a plus de 200 moutons et chèvres » 3 .

Janssens tire la conclusion du récit de son confrère Baerts : « Il me semble qu’on peut dire raisonnablement que si une nouvelle mission ne se fonde pas sous peu dans les pays des Bampende, qu’il faudra que les Pères de la Mission de Mpangu s’y rendent de temps en temps et que de ce côté il y aura augmentation des dépenses, autant pour de frais de voyage que pour faire de la Propagande, qu’on sera obligé de faire dans cette tribu ». Le supérieur de Pangu suggère l’établissement d’une mission chez les Pende : « Mais le pays de Bampende semble être suffisamment habité et mûr pour l’évangélisation pour qu’on y établisse une mission qui promet d’être très florissante et peu coûteuse » 4 .

L’intérêt suscité par le pays Pende oblige Baerts à entrevoir un autre voyage dans cette contrée. Celui-ci a lieu en 1913.

Notes
3.

JANSSENS, Notes sur la Mission…, op.cit., 2e partie.

4.

Idem.

5.

JANSSENS, op.cit., 2e partie.

1.

Idem.

2.

JANSSENS, op.cit., 2e partie.

3.

Idem

1.

Ibidem.

2.

JANSSENS, op.cit., 2e partie.

3.

Idem

4.

JANSSENS, op.cit., 2e partie