5. 8. 2. Deuxième voyage de Baerts (29 décembre 1913- 27 janvier 1914)

De retour de son premier voyage dans la région de Dumba, Baerts reçoit une lettre de Cambier le désignant supérieur de Pangu 1 .

Janssens doit aller fonder une autre mission. Il reste encore sur place jusqu’au 15 octobre, le temps, sûrement, de préparer et de faire, en bon ordre, la remise et la reprise.

Entre temps les activités de missionnaires ne se sont pas arrêtées. Les Pères Sterpin et plus tard Van Aelst vont, sous la direction de Baerts, continuer l’évangélisation de la région en visitant les villages des Ding, Lele, Nkutu, Nzadi, Ngwii, etc.

Le 29 décembre 1913, Baerts reprend son bâton de pèlerin et se dirige, cette fois-ci à pied, en direction du pays des Pende. Le récit de ce deuxième voyage est publié en août 1914 dans la revue des Scheutistessous le titre « Autour de Pangu St Pierre Claver » 2 .

Baerts introduit son récit de la manière suivante : « J’ai promis des détails sur mon voyage à l’intérieur ; je viens m’exécuter par la présente » 3 .

Baerts part de Pangu avec 16 catéchistes qui sont, dit-il, « les premiers fruits de ma mission » 4 . Ils sont « de la race de Baska, mais tous savent lire et écrire en Tsiluba » 5 . À deux heures de Pangu, le convoi visite en premier lieu Bambudi, « village de Badinga, dont les gens viennent à notre marché et dont deux enfants sont internes à la mission » 6 . Le lendemain, une marche de 6 bonnes heures conduit les voyageurs à Nkumunu, où une hutte badinga fait oublier à Baerts un formidable orage essuyé en route. « Ces huttes, percées d’une ouverture à 80 centimètres du sol, n’offrent pas une entrée facile : on lève une jambe, on baisse la tête, on hisse la masse comme on peut. Il y en a là une trentaine » 7 .

La troisième étape c’est « Kawanga, 22 cases » 1 . Ici la délégation doit parlementer pour obtenir des indications payées d’avance. Baerts écrit : « Nous en avons pour notre argent : on nous fait patauger dans les marais, puis traverser en une pirogue minuscule la Loanji, affluent de la Lubue, pour arriver le soir à Tukume, de 23 cases. J’arrive à temps pour baptiser un pauvre homme qui meurt le lendemain. Il y a une Providence pour les nègres de bonne volonté » 2 .

Quatrième étape :

‘Un guide indigène me conduit à Mbele, poste secondaire de la C.K. sur la Lubue. Passé par un village bakongo (15 cases), dont le chef me reconnut pour m’avoir vu il y a deux ans voyageant en pirogue. Nous traversons la Lubue sur un radeau improvisé, qui nous plonge en un bain presque complet : le boy placé derrière moi n’y perd que son vêtement, tenu en main par précaution. Nous logeons à Ekumene, gros village, moitié Badinga moitié Bakunda 3 .’

Baerts et son équipe se trouvent maintenant «  sur une bonne route, en pays Babunda. Certains villages ont 1600 cases ; en d’autres, l’État a recensé jusqu’à 800 contribuables (mâles et adultes). Ce sont des fumeurs de chanvre enragés, braves gens au demeurant. Ils n’avaient jamais vu un missionnaire ; mais tous les villages où je me suis arrêté m’ont confié des enfants. Le fils aîné d’un chef m’a accompagné ; il est encore maintenant à la mission, et il vient de faire venir sa femme et son enfant » 4 .

De Mbele à Dumba Mulasa, sur 16 heures de marche, le missionnaire de Scheut compte 8 à 9 grands villages. Un de ces villages voulait avoir des catéchistes ; « il s’offrait à leur bâtir une habitation et un hangar pour la prière commune ; mais je n’ai pas pu accéder à ce désir, la région n’étant pas encore pacifiée. D’ailleurs, ce n’est que partie remise : le fils du nyampara de ce village est depuis un an et demi à notre mission ; il sera baptisé sous peu ; il est le catéchiste tout désigné pour sa région » 5 .

Baerts note que la C.K possède un poste à Dumba Mulasa depuis nombre d’années et que l’État vient d’en fonder un aussi.

Les voyageurs de Pangu entrent au pays de Bapende : « J’ai placé, écrit Baerts, six catéchistes en différents villages et ramené des enfants avec moi. Revenant vers le N.E., je retrouve deux catéchistes qu’un chef Bapende était venu chercher lui-même à la mission. Les enfants savent parfaitement leurs prières du matin et une partie de leur catéchisme. Les gens voudraient me garder définitivement auprès d’eux. J’y place 10 catéchistes en différents villages ; 15 enfants m’accompagnent à Pangu pour y rester : je dois en refuser beaucoup, car ils se présentent en masse » 1 .

L’équipe amorce le voyage retour. Il a des difficultés pour passer chez les Wongo : « Je ne suis ici qu’à 4 journées Sud de Pangu ; mais la route est fermée, par suite d’une palabre des Bakongo avec l’État. Nos 2 premiers catéchistes qui s’y présentèrent avaient failli être mis à mort, n’avaient eu la vie sauve que grâce au chef mupende, et avaient dû payer passage » 2 .

La caravane de retour se compose de 50 hommes. Elle se met chaque jour sous la protection divine : le Père célèbre le St Sacrifice et fait réciter la prière en commun. Les gens du village Ibunda veulent avoir leur hangar de prière : « on me fit tracer sur le sol les limites d’un hangar, et immédiatement on alla chercher les matériaux qu’on étala devant moi » 3 .

Le missionnaire de Pangu tire une conclusion de son voyage : « Les adultes de là-bas qui m’ont suivi jusqu’ici sont toujours à la mission. Quand viendra la saison sèche, beaucoup d’autres viendront me rendre visite. Ces gens n’ont connu jusqu’ici que deux éléments étrangers : l’État et les Compagnies. De Dumba à Kikwit, mission des Pères Jésuites, il y a quatre jours de marche pour une caravane de porteurs, de Dumba à Ibunda, deux jours, de Pangu aux Apende, - par les Bakongo – quatre à cinq jours » 4 .

L’article de Baerts ne se termine pas là. Une dernière partie fait le point de la situation présente de la mission de Pangu :

‘Actuellement, nous avons ici à Pangu près de 200 internes : tout un petit monde à nourrir et à vêtir. Et voyez s’il est mélangé. De la rive droite du Kasaï, des Basha et des Basakata ; de la rive gauche, des Badjari, des Banguli et des Baboma ; de Pangu même, des Badinga, des Bashilele, et des Bedjie. Ajoutez-y les travailleurs Baluba, Batetela, et Bena-Nkamba ; cela nous fait 13 dialectes différents, qui se parlent couramment à la mission. On se console de la difficulté des langues par l’avantage qu’offre la multiplicité même, au point de vue de la propagande parmi différentes peuplades. Le règne de Dieu sur le continent africain s’étend ainsi de proche en proche ; la bonne semence que nous jetons germe tôt ou tard, fructifié par les prières de bonnes âmes d’Europe. « Mon Dieu, que votre règne arrive » ! tel est notre cri du cœur à tous 1 .’

Le champ apostolique de missionnaires de Pangu ne s’est pas limité à la rive gauche du Kasaï ; ils sont aussi allés à la conquête des âmes cachées dans la jungle tropicale de la rive droite. C’est le pays de Bankutu, mais aussi de quelques Ding et Nzadi.

Notes
1.

Cf. supra.

2.

BAERTS, « Autour de Pangu… », op.cit., MCCP, 1914, p. 169-173.

3.

BAERTS, « Autour de Pangu… », op. cit., p. 169.

4.

Idem, p. 169.

5.

Idem, p. 169.

6.

Idem, p. 169-170.

7.

BAERTS, « Autour de Pangu… », op. cit., p. 170.

1.

Ibidem.

2.

Ibidem

3.

Ibidem. Le terme « Bakunda » est sûrement une faute de transcription. Il s’agit vraisemblablement de l’ethnonyme « Babunda ou Bambunda ».

4.

BAERTS, op.cit., p.170.

5.

BAERTS, op.cit., p.170.

1.

BAERTS, « Autour de Pangu… », op. cit., p. 171.

2.

Ibidem.

3.

Ibidem, p. 172.

4.

BAERTS, op.cit., p. 172.

1.

BAERTS, op.cit., p. 172.