1. 3. Tentative de formation d’un clergé indigène

Chez les Jésuites du Kwango, la question de la formation d’un clergé indigène se pose dès le début des années 1920. Cette prise de conscience est consécutive à trois facteurs qu’il convient d’énumérer. D’abord, les directives pressantes des instances romaines qui obligent les missionnaires à créer, sans prudence excessive, un clergé indigène, gage de l’émergence et de la pérennité des Églises véritablement locales 1 . Ensuite, la forte croissance de premières chrétientés dans la partie occidentale du Kwango et l’extension de la mission à l’Est rendent impérieuse la création d’un clergé autochtone. Enfin, la concurrence des protestants à l’Est du Kwango montre aux missionnaires la nécessité d’un clergé indigène, capable de parler le langage de son peuple et de lui annoncer l’évangile suivant le secret de sa culture.

Ce n’est pas sans crainte ni préjugés que les Jésuites vont essayer d’amorcer la formation des premiers séminaristes. La tâche leur paraissait coûteuse, laborieuse et risquée. Réussiraient-ils à transformer ces païens noirs, ignorants et pleins de vices, en « d’autres Christ » ? Un de ces Jésuites écrit : « Former des prêtres indigènes est, pour le missionnaire, l’œuvre des œuvres et l’art des arts. Il faut des ressources pécuniaires considérables, des trésors de patience, d’intelligence et de tact ; mais surtout il faut des grâces surabondantes, pour transformer en d’autres Christ, des hommes que l’atavisme païen a encroûtés d’ignorance et de vice » 2 .

Malgré toutes ces appréhensions, les Jésuites ouvrent leur premier petit séminaire du Kwango à Lemfu, le 20 septembre 1920. Ce séminaire compte déjà 57 séminaristes en 1926. Ces premiers séminaristes sont recrutés parmi les élèves catéchistes qui, comme l’a dit le Père Delaere, ont su « voler plus haut ». À Wombali, par exemple, ayant d’abord amélioré le programme des classes inférieures existantes, le P. Lambrette organise une école de catéchistes comprenant trois années d’études supplémentaires ; cette école donne plusieurs élèves au petit séminaire de Lemfu 1 .

À Ipamu, les Pères procèdent de la même façon. Ils envoient leurs meilleurs élèves catéchistes à Lemfu. Il semble bien que c’est aux alentours de 1928 et 1929 que les trois premiers élèves catéchistes d’Ipamu sont envoyés à Lemfu. Il s’agit de Gabriel Onsingi, Jean Mungele et Laurent Ndaywel 2 . Aucun n’est devenu prêtre. Nous retrouvons Onsingi et Ndaywel sur la liste des enseignants d’Ipamu en 1935. Quant à Jean Mungele, nous avons décrit son étonnant itinéraire dans une de nos précédentes publications 3 . Dans son rapport de 1929, Mgr Van Hee indique que le petit séminaire de Lemfu «  est entré dans une voie de progrès et donne des espoirs fondés pour l’avenir » 4 . Il note que, cette année là, le séminaire compte 80 élèves, dont plusieurs appartiennent à des Préfectures ou Vicariats différents. Il y a quatre élèves en première année de philosophie. Il dévoile aussi que l’emplacement du Grand Séminaire est à l’étude. Mgr Van Hee ajoute « Ces vocations seraient plus nombreuses si nous pouvions fonder à l’Est du territoire un petit séminaire pour les régions du Kwango-Kasaï. L’éloignement de Lemfu du centre de la mission, les difficultés du voyage ( il y a 28 jours de marche de Kilembe à Lemfu, 22 de Kikwit, Leverville ou Djuma, les voyages par eau sont presque aussi longs et très coûteux), le séjour prolongé dans une région différente de la leur, détournent certainement beaucoup d’enfants de l’idée d’une vocation ecclésiastique » 5 . C’est donc pour pallier ces difficultés que Mgr Van Hee crée, en 1931, le petit séminaire de Wombali. Nous n’avons pour le moment que très peu d’informations sur les jeunes de la mission d’Ipamu qui ont fréquenté ce séminaire de Wombali. D’après l’abbé Valère Banga-Banga 6 , en 1933, quelques jeunes gens, dont Thomas Isobo de Mangaï et Léon Pusu de Panu, auraient été envoyés au petit séminaire de Wombali par les Pères Oblats, mais les Jésuites les auraient refoulés parce qu’ils n’étaient que catéchumènes 1 .

Notes
1.

Voir les instructions de la Propagande et les Encycliques « Maximum illud » de Benoît XV et « Rerum Ecclesiae » de Pie XI.

2.

J. M., S.I., « La Compagnie de Jésus et le clergé indigène » in MBCJ, 1926, p. 82.

1.

GUFFENS, J., « Wombali Casier-Saint-Jean 1900-1925 »…, op.cit., p.

2.

Lire NKAY, M., Le petit séminaire de Laba…, op.cit., p. 7-8.

3.

Idem, p. 8-9.

4.

VAN HEE, « La mission du Kwango en 1929 » in RMJB, 1929, p. 458.

5.

VAN HEE, « La mission du Kwango… », op.cit., p. 458.

6.

Le premier prêtre de la mission d’Ipamu, l’abbé Valère Banga-Banga, d’origine Ngwi, ne sera ordonné qu’en 1949 par Mgr Alphonse Bossart. L’abbé Valère est, avec l’Abbé Bartholomé Shieta, l’un des deux premiers prêtres de l’actuel diocèse d’Idiofa. Les Ding orientaux n’auront leur premier prêtre, l’abbé Victor Nsungnza qu’en 1953.

1.

Interview réalisée en 1997 pour réaliser notre opuscule sur les 50 ans du petit séminaire de Laba.