4. 1. 1. « Ma première visite aux Badinga »

Tel est le titre d’un article de Struyf qui décrit une première randonnée de reconnaissance qu’il a effectuée chez les Ding orientaux et les Lele quelques jours seulement après son arrivée à Ipamu, probablement au début du mois de novembre 1921. Il prend la direction Nord-Est. Il longe le Kasaï et s’arrête au village Bulumbu (Ulwum), entre Ipamu et l’actuelle cité de Dibaya-Lubwe, où il assiste à un rituel organisé à la suite de la « mort » d’un aigle : J’arrive à Elumbu, village des Badinga ; tout le monde est parti au village voisin avec les tambours et des calebasses de malafu. Pourquoi ? On avait tué un grand aigle, qu’ils appellent « mpungu » : c’est le roi de la forêt et, dans la croyance des Badinga, le Père du chef de village : défense absolue de tuer cet oiseau. Or un indigène avait dressé un piège dans la forêt pour prendre des singes ; et voici que ce n’est pas un singe qu’il prend, mais un aigle « mpungu ». Grande palabre avec le chef de village : « On a tué mon père, je dois en savoir la raison ; on doit me payer une amande ».

‘J’arrive à ce village juste à temps pour assister à toute la scène. Le chef, entouré d’une foule énorme, était assis devant sa hutte, l’aigle étendu devant lui. Deux tambours battaient le rythme, et le groupe de Badinga se suivaient à la file en chantant et en se croisant les bras, se frappant le bras droit de la main gauche : bruit saccadé et assourdissant. Ils chantaient dans une ronde sauvage, les exploits du roi de la forêt. Tout à coup je vois un groupe nouveau, arrivant à l’extrémité du village : tous avec des lances et des flèches, revêtus de pagnes du pays d’une épaisseur énorme, des grelots aux pieds, la figure barbouillée de rouge et de blanc, gesticulant, tournoyant sur eux-même, lançant flèches et lances. […] Parmi ce groupe se trouvait l’individu qui avait tué l’aigle : c’était pire qu’un diable. Il avançait, reculait, jetait sa lance, tournoyait comme une toupie, puis s’élançait vers l’aigle étendu devant le chef, un grand vieux mudinga, qui doit en connaître des histoires, et savoir raconter les vieilles légendes du pays. […] Après cela se fait le partage des plumes entre le chef et celui qui a tué l’aigle ; la chair de l’oiseau est mise dans un pot de terre, tout le monde en mangera. La dépouille est conservée et mise sur un grand pieu au milieu de la cour du village, où les danses se poursuivront bien longtemps encore dans la nuit…danses sauvages et lugubres. 1

Struyf continue son chemin jusqu’à Pangu. Il se dirige ensuite vers le sud-est où il rencontre les Lele (Bashilele) qu’il décrit comme une peuplade « nullement mûre pour la réception de la religion ». Il commente :

‘J’avais averti de mon arrivée ; j’ai été reçu au milieu d’un vacarme épouvantable. Les femmes et les enfants surtout étaient particulièrement bruyants, tous les hommes étaient armés de leurs arcs et flèches. Quels grands et solides gaillards ! Leurs villages sont entourés d’une palissade et les huttes se touchent presque. J’ai demandé beaucoup de détails sur leur langue, mœurs, origines, etc. Les Bashilele appartiennent, comme les Badinga, les Bangoli, les Banzari, les Balori aux Bantous des forêts. Leur langue est extrêmement difficile ; c’est une mer à boire. Quelle que soit la difficulté de ces langues des Bantous des forêts, nous devons absolument arriver à les connaître et avec de la volonté et de persévérance nous y arriverons. Précieux avantages pour l’explication de notre religion, car ces peuplades ne connaissent absolument rien de notre kikongo, langue véhiculaire de la Préfecture 1 .’

Ce voyage aurait duré - d’après l’auteur lui-même - trois semaines. Il ne mentionne pas de difficultés rencontrées. Il ne dit rien sur le recrutement des catéchumènes et sur les anciens chrétiens de Pangu.

Notes
1.

StruyfY., « Ma première visite… », op.cit., p.133.

1.

STRUYF, « Ma première visite… », op.cit., p. 134.