Jusqu’à l’arrivée des Sœurs de Sainte Marie de Namur, en 1928, le poste d’Ipamu n’a pas d’école pour filles. Les Pères ne sont pas autorisés à s’occuper eux-mêmes de l’éducation des filles. Ils ne peuvent apprendre le catéchisme qu’aux femmes mariées.
(source : J. B. Adam)
En vue de préparer l’arrivée des Sœurs à Ipamu, le Père Joseph Van Wing, sollicite, en mai 1927, auprès du ministre des colonies, un subside pour l’établissement d’écoles primaires du premier et second degré pour filles à Ipamu :
‘« Monsieur le Ministre,Lorsque les Sœurs arrivent en juin 1928, les Pères ont déjà regroupé sur place 240 femmes et filles. L’ouverture des classes a lieu le 23 juillet 1928. Les Sœurs commentent :
‘L’ouverture des classes a eu lieu le 23 juillet. En voyant l’ardeur des garçons qui, ici, dépasse les filles de cent coudées, nous croyions que celles-ci allaient être enchantées de s’instruire aussi. Hélas ! au lieu d’avoir comme à Leverville des délégations de femmes mariées suppliant pour être admises, nos filles accueillent la nouvelle par un charivari et déclarent qu’elles sont venues à la mission pour être baptisées et non pour apprendre à lire. Tandis que nous les attendons auprès de nos tableaux, elles, corbeilles au dos, défilent en nous narguant et partent dans leur chère forêt… Nous n’étions pas très fières en venant nous agenouiller au pied du tabernacle pour demander au Maître la façon de prendre ces pauvres gens. Un entretien nous apprit qu’une nouvelle sottise avait été répandue : on leur avait dit que si elles venaient en classe elles ne pourraient plus se marier. Punition, avertissement que ce sont, non celles qui viennent en classe, mais celle qui ne savent pas obéir qui seront retardées pour le baptême et le mariage et, depuis lors, nos « moutons » viennent docilement ânonner 3 .’En 1929 les classes des Sœurs comptent 268 élèves réparties en Classes primaires section A où les religieuses ont groupé les plus jeunes de la mission et en Classes primaires section B comprenant les filles en âge de se marier et qui reçoivent un enseignement plus adapté à leur futur rôle de mère de famille. La Sœur Rauscent Julie, institutrice diplômée est directrice de l’école. Les classes sont organisées de la manière suivante :
Années | Nombre d’élèves | Divisions | Religieuses | Monitrices noires |
1ère a | 67 | 27 24 16 |
Delogne Blanche, Institutrice diplômée | Hélène Anziam Cathérine Wopieng Womolago |
2ème a | 40 | 6 14 20 |
Chamberland Jeanne Institutrice diplômée | Wodjir Alekei |
I. Classes primaires - Section A
Années | Nombre d’élèves | Divisions | Religieuses | Monitrices noires |
1ère a | 126 | 30 10 11 17 10 27 21 |
Viarum Wokienge Ngabusay Wofanga Unkana Mukata Tambim |
|
2ème a | 35 | 20 15 |
Rauscent Julie Institutrice diplômée |
Masile |
II. Classes primaires – Section B
(Source : Rapport scolaire 1929, ASSMN)
De l’arrivée des Sœurs en 1927 à leur départ en 1937, le nombre d’élèves n’a cessé d’augmenter. D’après l’ensemble des données disponibles, cette progression a atteint le chiffre cumulé de 462 élèves en 1932. cette année-là, les Sœurs sont obligées non seulement de dédoubler leur classe de première année, mais aussi d’ouvrir une classe spécifique pour les enfants d’Ipamu village :
‘Les petites élèves de Sœur Marie Véronique étant absolument trop nombreuses, il s’agissait de dédoubler la classe. D’autre part, beaucoup d’enfants de la mission, garçons et filles, sont en âge d’école et personne n’avait le temps de s’occuper d’eux. Le village d’Ipamu enfin, dirigé par un chef païen, est loin de briller par sa ferveur. Les enfants de chrétiens comme les autres y grandissent en petits sauvages. En 1930, nous étions parvenues à faire venir en classe quelques fillettes de ce village. Les classes ayant été quelque peu négligées l’an dernier à cause du manque de Sœurs, les petites sauvagesses en profitèrent pour retourner à … la chasse aux chenilles ! Il fallut faire un nouvel appel qui fut, cette fois, couronné de succès. Tous les matins, 22 enfants d’Ipamu, garçons et filles de 6 à 9 ans, nous arrivent pour la classe. Chose prodigieuse, le chef Kabongo, païen polygame, nous amena lui-même, un de ces jours, une enfant se disant malade et qui n’était pas venue en classe. Son propre fils est arrivé avec un autre garçonnet pour se faire inscrire. Les trouvant trop grands, je voulus les envoyer chez les Pères. « Non, me fut-il répondu, c’est ici seulement que nous voulons venir en classe ». J’ignore s’ils se sont présentés à la classe des garçons où, jusqu’ici, on n’est pas parvenu à avoir un seul gamin d’Ipamu 1 .’Les religieuses vont aussi, dès 1931, ouvrir une École Élémentaire Ménagère Agricole Professionnelle que dirige la Sœur Saint Léon accompagnée de deux monitrices noires. Cette école compte 67 filles en 1931 ; elles sont 75 en 1932. La formation donnée par cette école est résumée dans le rapport des Sœurs :
‘Elle (l’école ménagère) a un attrait très marqué pour nos fillettes noires. Celles-ci s’initient, sous l’œil vigilant des maîtresses, aux travaux suivants : cuisine, lessive, repassage, confection et réparation des vêtements, jardinage, fabrication de l’huile d’arachide, de l’huile de palme, d’amidon de manioc, de vinaigre de palme, etc. Elle s’occupe aussi de vannerie, de corderie, du travail du raphia 2 .’Lors d’une visite de Mgr Van Hee en 1934, les Sœurs organisent une exposition culinaire pour mettre en valeur le savoir-faire de leurs élèves de l’école ménagère. Toutes les recettes exposées sont composés uniquement de produits locaux :
‘À coté des belles tartes dorées garnies de riz ou de bananes, voici des bonbons variés à base de farine de manioc ou de maïs et dans la fabrication desquels le vin de palme a remplacé la levure. Puis, viennent les bouteilles contenant l’huile raffinée de palme et d’arachide, vinaigre de palmier qui pourrait, comme force, rivaliser avec notre vinaigre de vin, sirop d’ananas, etc. … À côté de la semoule de riz et de l’amidon de manioc, d’une blancheur éclatante, de délicieuses confitures de mangues et d’ananas faites au sucre de canne fabriqué au Congo. Puis viennent les bocaux de concombres, ananas, papayes au vinaigre, les plats appétissants de croquette de riz, de crêpes de manioc, de frites de patates douces et de manioc, voire même du pain d’épice fait de farine de riz et de sirop d’ananas. Nos enfants sont très friandes de tous ces mets qu’elles préparent à l’école ménagère. Elles sont émerveillées de toutes les combinaisons auxquelles se prêtent leurs produits dont elles n’ont jamais tiré qu’un menu unique, préparé à la façon ancestrale 3 .’Les Sœurs de Sainte Marie de Namur perçoivent déjà, à cette époque, le rôle que doit jouer la femme dans le progrès moral et matériel de la région :
‘Convaincues de l’importance de l’éducation de la femme pour relever le niveau moral et matériel de la région, nous ne négligeons aucune occasion d’éveiller en elle le sentiment de sa dignité personnelle, de sa responsabilité vis-à—vis de son mari et de ces enfants. Des cours de morale, d’hygiène et de puériculture sont données régulièrement et toutes nos élèves sont initiées aux travaux des champs qui, après leur mariage, assureront à la famille avec une honnête aisance, la santé physique et morale 4 .’Il nous a été difficile de relever le nombre de filles Ding orientaux parce que les rapports des Sœurs ne donnent pas d’indications sur l’origine ethnique des élèves et et le registre scolaire n'en dit pas plus ! Toutefois, une chose est certaine: le nombre de filles ne cesse de croître depuis la fondation de la mission où plusieurs d'entre elles ont été baptisées et mariées.
Le qualificatif « sauvagesse », nous le trouvons à plusieurs reprises dans les écrits des Sœurs de Marie de Namur. Il désigne les petites noires païennes n’ayant pas reçu la grâce du baptême.
Lettre de J. Van WING au Ministre des Colonies, Louvain, le 24 mai 1927, AMBAE, Archives Africaines, M. 631, VIII/2 N° 7.
Lettre du Ministre des Colonies au Père procureur, Bruxelles, le 6 août 1927, AMBAE, AF., M. 631, VIII/2 N° 7.
RSSFS, juillet 1928, Ipamu.
RSSMN, Juin, 1932.
Rapport de l’année 1932, adressé au Gouverneur Général, ASSMN, Farde rapport.
RSSMN, février 1934, Ipamu.
Rapport annuel adressé au Gouverneur Général, 1932, ASSMN, farde Rapport.