Dès l’introduction de son ouvrage, Mertens indique ses principales sources d’informations, à savoir : les notes du Père Yvon Struyf et ses propres enquêtes. Il est difficile de déterminer la part de chaque source dans l’élaboration de l’ouvrage. Le travail ne comporte aucune notice précisant la provenance de telle ou telle information. Seule une carte comporte cette mention : « La carte est une reproduction de celle que le P. Struyf s.j. a dressé à ma demande en mars 1934 » 2 .
Examinons d’abord la première source, les notes du Père Struyf. Mertens arrive à Ipamu en 1926 et rencontre Struyf, son supérieur. Il est en présence d’un homme qui a une longue expérience de recherche ethnographique. Struyf a déjà l’habitude d’interroger les autochtones, d’observer leurs manières d’être et de faire. Il a étudié les langues locales et il a rassemblé, comme le dit Delaere 3 , les éléments composant une grammaire de ces langues. C’est cette somme considérable des matériaux ethnographiques et linguistiques que lui-même publiait progressivement 4 et qu’il mettra à la disposition de son jeune confrère Mertens.
Mertens présente ses propres enquêtes comme sa deuxième source. Il affirme ne pas s’être contenté des informations apportées par Struyf et avoir enquêté lui-même auprès des natifs. Mais il ne dit pas, - et c’est d’ailleurs l’habitude dans toute la littérature ethnographique de l’époque -, quelles sont les personnes interrogées et le lieu où il les a rencontrées. Si Mertens a mené ses propres enquêtes, il est fort probable qu’il ait recruté ses informateurs privilégiés parmi les gens qui fréquentaient le poste de mission : catéchistes, catéchumènes, écoliers, travailleurs, etc. Nous n’avons aucune indication sur un possible voyage du régent chez ses « Ba Dzing de la Kamtsha ». Ni les écrits des Pères, ni la chronique des Sœurs de Sainte Marie de Namur ne laissent entrevoir l’éventualité d’un tel voyage. D’ailleurs, il n’est pas dans les habitudes des Jésuites d’emmener les régents dans leurs randonnées en « brousse ». Le régent Mertens, a sa place et ses occupations à Ipamu. Comme enseignant de catéchisme et sous-directeur à l’école primaire, il a suffisamment à faire à la mission et il ne peut pas accompagner Struyf, pendant deux ou trois semaines, dans les villages éloignés du bassin de la Kamtsha. S’il y a eu contact avec les indigènes, l’opération ne devait pas être facile, la langue constituant un handicap majeur pour le jeune régent. Il l’avoue lui-même : « S’il est vrai que je n’eus besoin d’interprètes pour comprendre ce que les gens me disaient, je dois avouer que le Kikongo, langue commerciale, n’a pas facilité les rapports avec l’indigène, loin de là » 1 . Le problème linguistique constituait le talon d’Achille pour tous les nouveaux venus.
Il n’est pas certain qu’en quatre ans Mertens ait déjà maîtrisé toutes les subtilités du kikongo et se soit attaqué à l’idiome réputé difficile de ses « Badzing de la Kamtsha ». Mertens se servait, certes, du kikongo, mais le maîtrisait-il vraiment ? Vu l’horaire très chargé d’une journée à la mission, le régent avait-il eu le temps de se familiariser avec la langue des « Badinga » ? Toutes ces questions font douter de la crédibilité de l’enquête menée par l’auteur de « Les Ba Dzing de la Kamtsha ».
MERTENS, J., Les Ba Dzing de la Kamtsha, t. 1. Ethnographie, ARSOM, Bruxelles, 1935, p.
DELAERE, « À Ipamu », op.cit., p. 177.
Nous reprenons ici quelques-unes des publications de STRUYF sur les populations de la région d’Ipamu : « Mœurs et coutumes » in Missions Belges de la Compagnie de Jésus, 1923 ; Idem, « Le meurtre d’un chef » in MBCJ, 1923, p. 81-84 ; Idem, « Mœurs et coutumes » in MBCJ, 1923, p. 252-256 et 371-373 ; Idem, « Le lukoshi » in Revue Missionnaires des Jésuites Belges, 1933, vol. VII, p. 295-297 ; Idem, « le Kindoki », RMJB, vol. VII, p. 400-402 ; Idem, « Migrations de Bapende et des Bambunda » in Congo, 1(1931)5, p. 667-670 ; Idem, « De Verhuizingen by Kamtsha », in Congo, II (1936), p. 343-350.
MERTENS, 1936, p. 676.