3. 2. 2. Une question de graphie

La première question que pose le titre de l’ouvrage de Mertens est celle de l’orthographe « Badzing ». Pourquoi le Jésuite belge a-t-il préféré cette nouvelle graphie ? D’où provient-elle ?

Pour répondre à ces interrogations, il est intéressant de recourir à un texte inédit, de l’auteur lui-même, qui résume sa pensée. En effet, le 19 mai 1934, pendant que Mertens se trouve encore à Louvain et avant la publication du premier volume de son livre, le docteur Joseph Maes, alors chef de la section ethnographique au Musée Royal du Congo Belge, lui adresse cette petite note :« Dans la réunion de l'étude sur le nom et la situation des peuplades du Congo belge, nous avons introduit, d'après vos indications, les limites des Badinga et le nom Badzing.

Malheureusement nous ne disposons d'aucun texte. Ne voudriez-vous point nous donner, pour ce travail, un petit mot sur le nom, son origine et son étymologie et sur la situation » 1 .

Mertens répond en envoyant au musée un texte dactylographié de cinq pages avec une carte en annexe. Cet écrit résume la première section de la partie ethnographique de la monographie qui sera publiée en 1935. Cette section, intitulée « L’habitat », traite de la « localisation de la tribu et du groupe des Ba Dzing de la Kamtsha » (Chap. 1 ), de « La population actuelle » (Chap. 2), du « Passé historique » (Chap. 3) et de « L’aspect général du pays et de ses habitants » (Chap. 4) 2 . La carte qui illustre cette tranche est celle dressée par le Père Struyf sur demande de Mertens et elle est la même que celle adressée au docteur Maes 3 .

À la page 2 de l’inédit destiné à Maes, parlant de la « race », Mertens indique :

«  Nous nous trouvons en face d’une grande tribu, divisée en deux branches :

A. les Ba Dinga- Mukene, à l’Est ;

B. les Ba Dinga de la Kamtsha, ou selon leur propre appellation : « Ba Dzing ba maaj a Kãntsha » 4 .

Il précise sa pensée en faisant remarquer qu’il ne connaît pas assez le premier groupe dont « les préfixes de la langue, telle que la parlent les indigènes de ces parages ( dit-on) se rapprochent des préfixes de la langue des Ba Ngoli. Les radicaux par contre se rapprochent de ceux des Ba Dzing du sud ( ce dernier point est sûr, généralement au moins) » 5 . Il continue son argumentation : « En kikongo commercial ils se nomment « Ba Dinga » et refusent ce nom au groupe B. qui ne sont, d’après eux, que des «  Ba Mbunda ». Ceci est manifestement impossible, vu que les Ba Mbunda viennent du Sud, tandis que tous les Ba Dzing viennent du Nord ! » 1 . Mertens note, pour finir, que l’appellation « Ba Dinga-Mukene » n’est pas indigène : « c’est nous qui leur adjoignons cet épithète, pour les distinguer des Ba Dzing du groupe B. » 2 . L’épithète « Mukene » n’est que « le nom d’un grand chef qui règne sur une partie de ces gens, son village est Mbel, une dizaine d’heures au sud d’Ipamu. On dit qu’il a un collègue dans l’entre Lubwe-Lwangue  » 3 .

Quant au second groupe (B.), Mertens affirme qu’il « se nomme « Ba Dzing » ou équivalemment « Ba Ding » 4 . Il ajoute immédiatement que « la consonne affriquée « dz » est fort répandue, mais son usage n’est pas absolument universel. Si j’adopte la consonne affriquée c’est uniquement en vertu d’une convention que nous développerons dans l’introduction du dictionnaire Idzing-Français » 5 . Le Jésuite belge assure encore que « ce second groupe occupe les deux rives de la Kamtsha et se subdivise en trois branches, qui se nomment toutes trois « Ba Dzing ba maaj a Kãntsha », c’est-à-dire Ba Dzing du fleuve Kamtsha. Les trois groupes ont encore ceci de commun 1° ils se reconnaissent mutuellement le nom de Ba Dzing ; et 2° le refusent aux individus du premier groupe. Pour eux ce sont des Ba Mbensje » 6 .

Comme nous pouvons le constater, le terme « Ba Dzing » serait, d’après Mertens, un nom que ceux qu’on nomme en kikongo « Badinga Kamtsha » se donnent eux-mêmes. Mertens ne semble pas sûr de la graphie « Ba Dzing ». Il dit que l’usage de l’affriquée « dz » n’est pas universel et que, s’il l’adopte, c’est en vertu d’une convention. En d’autres termes, le Jésuite reconnaît qu’il n’est pas certain que tous ses « Ba Dzing » se nomment par cette expression.

Notes
1.

Lettre du docteur MAES au père MERTENS, 19 mai 1934, M.R A.C., Dossier ethnographique, N° 797.

2.

MERTENS, Les Ba Dzing de la Kamtsha, t. 1., op.cit., p. 5-19.

3.

Cfr supra, p. 5, note 20.

4.

Notes adressées par MERTENS au docteur MAES, s.d., M.R A.C., Dossier ethnographique, N° 797, p. 2.

5.

Ibidem.

1.

Ibidem.

2.

Ibidem.

3.

Ibidem.

4.

Notes adressées par MERTENS au docteur MAES, …

5.

Ibidem.

6.

Notes adressées par MERTENS à MAES…, p. 3.