4. 2. LES DING ORIENTAUX DANS L’ETHNOGRAPHIE DE MERTENS

Mertens achève la rédaction du premier tome de son ouvrage à Louvain, le 21 juillet 1934. Le travail est présenté comme mémoire à l’Académie Royale de Belgique à la séance du 19 novembre 1934. L’ouvrage ne sortira de l’imprimerie qu’en 1935. Ce premier tome de la monographie qui traite de l’ethnographie, est divisé en 7 sections et chacune d'elles en un certain nombre de chapitres.

Nous résumons dans le tableau ci-dessous le nombre de pages où l’auteur fait explicitement mention des Ding orientaux, de leur région ou d’un de leurs villages.

Tableau N°15 Ding orientaux dans l’ethnographie de Mertens
Sections Nombre de chapitres Pages parlant de Ding orientaux1
I. L’habitat 4 12
II. Le Mu Dzing 2 7
III. La vie matérielle 4 28
IV. La vie familiale. 5 6
V. La vie religieuse 4 4
VI. La vie intellectuelle 5 18
VII. La vie sociale 4 11
Total 28 86

(Source : tableau réalisé par nous même)

Mertens parle explicitement des Ding orientaux dans 86 pages sur les 373 que compte ce premier tome de sa monographie. Cela représente une proportion de 23,05%. Ce chiffre est important d’autant que, dès le départ, le Jésuite considère l’intervention de ce groupe comme accessoire 2 dans ses descriptions. Cette proportion est encore plus significative si nous prenons en compte la spécificité des matières ayant fait l'objet de description exclusivement chez les Ding orientaux. Ainsi, par exemple, pour étudier la polyandrie, le rôle de la femme chef, le métier à tisser, le travail du métal, les fables, les danses, etc., faute d’informations chez les « Ba Dzing de la Kamtsha », Mertens recourt aux Ding orientaux (Ba Dzing Mukene).

Il faudrait aussi noter que le Jésuite n’enrichit pas son travail seulement avec les exemples tirés de Ding orientaux, puisqu'il cite parfois les Ngwii, les Dzing du Nord, les Mbuun et même les Yaka et les Bakongo.

En scrutant davantage cet ouvrage, nous notons peu de traits culturels spécifiques aux « Ba Dzing de la Kamtsha ». Les mêmes éléments de la vie matérielle, familiale, religieuse, intellectuelle et sociale se retrouvent, mutatis mutandis, chez tous les Ding et tous leurs voisins du Bas-Kwilu. Et c’est avec raison que Vansina estime que toutes les populations du Bas-Kwilu partagent les mêmes bases culturelles. Cette culture commune serait en grande partie le résultat d’une homogénéité de population suivie en conséquence d’une homogénéité d’institutions. L’accentuation des différences entre les groupes résulterait finalement de l’ethnographie, de la mission et de l’administration coloniale qui avaient besoin, pour leur efficacité, des « unités minimales d’observation » 1 , géographiquement localisées, linguistiquement homogènes, politiquement circonscrites, socialement et culturellement identiques. Pour cette raison, il fallait segmenter des grands ensembles complexes 2 pour les rendre plus abordables et compréhensibles. La clé de lecture de la monographie de Mertens se trouve dans cette logique de la « de-complexification ».

Notes
1.

Il s’agit ici du nombre des pages où l’auteur cite explicitement les Ding orientaux (Ba Dzing-Mukene) comme il l’avait prévenu à la page 5 de son travail : « Ce travail traite des Ba Dzing qui appartiennent au premier de ce deux groupes (Ba Dzing de la Kamtsha). Il faudra fatalement faire appel au second groupe, de temps à autre du moins ; on l’indiquera en chaque cas, en nommant ces gens les Ba Dzing-Mukene ».

2.

Dans le premier chapitre, Mertens délimite le champ de son étude. Il commence par définir ce que comporte l’ethnonyme Ba Dzing. Il écrit : « Sous le nom de Ba Dzing, on groupe des peuplades qui habitent la rive gauche du Kasaï, à partir de l’embouchure de la Loange jusqu’à la ligne des crêtes qui sépare le bassin du Kwilu de celui de la Kamtsha, de celui du Kasaï. Non pas que toute la région, qui s’étend depuis le parallèle 3, jusqu’au parallèle 5, soit exclusivement occupée par des Ba Dzing ; ils en constituent cependant de loin la majeure partie. Sauf le coin des Ba Ngoli, qui, s’appuyant sur le fleuve à Mangaï (ou Mange) et quelques villages Ba Lori, perdus dans les marécages du Kasaï, s’enfoncent dans le territoire des Ba Dzing, tout le terrain qui reste, est aux mains de ceux qui se nomment Ba Dzing.

Les Ba Dinga, ou, comme ils se nomment eux-mêmes, les Ba Dzing, se subdivise en deux groupes :

1° Les Ba Dzing de la Kamtsha

2° Les Badzing qui obéissent à Mukene, un de leur grand chefs, résidant à Mbel ».

Mertens précise que son « travail traite des Ba Dzing qui appartiennent au premier de ces deux groupes » et qu'il fera « appel au second groupe, de temps à autre du moins ». MERTENS, Les Ba Dzing..., op.cit., p. 5.

1.

VANSINA, J., Sur les sentiers du passé...., op.cit., p. 21.

2.

L’exemple des Ding illustre la difficulté pour les missionnaires et les coloniaux de saisir la complexité des sociétés pré-coloniales. Ils se demandaient s’il était possible des regrouper sous une même ethnonyme des groupes sociaux aux institutions politiques différents ( les Ding orientaux obéissant à un seul chef, Munken, et les Ding occidentaux répondant à plusieurs chefs lignagers), aux parlers apparemment opposés (Van Bulck a recensé, comme indiqué plus haut, 7 variantes dialectales de « l’Idzing ». Cf. « Liste des langues et dialectes du Congo belge », op.cit., p. 258-260.) et disséminés dans espaces géographiques éloignées les unes les autres.