Dans leurs écrits, les Jésuites, notamment Struyf et Mertens, ont essayé de reconstituer une histoire des migrations des Ding et de leur établissement dans l’entre-Kamtsha-Loange. Ce travail se fonde sur les traditions orales collectées par Struyf. Il est important de le reprendre ici parce qu’il a constitué, jusqu’à une date récente, l’unique schéma d’interprétation de l’histoire ancienne des Ding.
C’est dans un article consacré aux « migrations de Bapende et des Bambunda » 2 que Struyf parle, pour la première fois, des Ding qui auraient occupé leur territoire actuel avant les Pende et les Mbuun. Selon le Jésuite, les Pende comme les Mbuun auraient une origine méridionale. Les Mbuun auraient été refoulés de ces régions du Sud par les Cokwe. Après avoir traversé la source du Kwango, ils auraient traversé le Kwilu et ils se seraient dirigés vers le nord ; c'est aux sources des rivières et le long des galeries forestières de la Kamtsha, de la Pio-Pio, de la Lubwe et de la Loange, qu’ils auraient rencontré les Ding, premiers « Bantu des forêts » à avoir occupé la région. Mais d’où venaient ces Ding ? Struyf répond à cette question dans un article écrit en flamand et publié en 1936 sous le titre de « De Verhuizingen by de Kamtsha » 1 . Cet article a été traduit en français par Mertens qui, en l'adaptant, l’a repris au chapitre troisième du tome I de sa monographie.
Struyf indique que sa source principale d’informations reste les traditions orales recueillies auprès des anciens lors de ses pérégrinations apostoliques chez les populations de la mission d’Ipamu. Il note que les populations de cette contrée ( Ngwii, Lwer, Ding et Nzadi) - qui sont des « Bantu des forêts » -, « prétendent être venus du nord » et avoir suivi le Kasaï en remontant le courant. Elles affirment avoir laissé « derrière eux les Sakata, les Boma, les Yans, compagnons de route dans la descente du Haut-Fleuve » 2 . Ces gens occupent, aujourd’hui, les rives du Kasaï et l’intérieur du pays en aval d’Eolo.
Les migrants Ngwii, Lwer, Ding et Nzadi se sont, quant à eux, d’abord regroupés à Eolo avant de se disperser pour occuper leurs territoires actuels.
Les Nzadi ne quittent pas Eolo où et ils s’adonnent à la fabrication du sel et à la pêche. Ce n’est que plus tard qu’ils vont essaimer le long du Kasaï. Les autres immigrants remontent en bloc la Kamtsha pour s’arrêter à Lewuma, sur la rive gauche de cette rivière. Lewuma devient à son tour un centre de dispersion. Les Ngwii restent dans le pays : ils occupent les deux rives de la Basse-Kamtsha et ils essaiment à l’Est, à l’Ouest et au Nord. Dans la direction de l’Ouest, ils s’installent par petits groupes jusqu’au-delà de Djuma où ils se cachent en plein pays des Yans, Mbala, Hungaan, Ngongo.
Un groupe de Ngwii et de Ding pousse une pointe vers le Nord-Est, en longeant les rives du Kasaï. Les Lwer les accompagnent pour demeurer dans les marais de la rive gauche du fleuve. D’autres Ding longent la Kamtsha en remontant le courant, ils en occupent tout le bassin moyen et puis ils avancent plus loin vers le Sud.
Toujours à partir de Lewuma, un autre mouvement est amorcé en direction de l’Est. Il conduit un groupe de Ngwii, des Ding et des Lwer dans le bassin de la Pio-Pio. Les Ngwii s’arrêtent dans la région de Mangaï, les Lwer au confluent du Kasaï et de la Pio-Pio. Les Ding (orientaux) continuent leur route jusqu’à la Lubwe, où ils se butent aux Lele ; ils obliquent vers le Sud pour occuper toute la région forestière entre la Loange à l’Est et la Pio-Pio à l’Ouest, jusqu’au Sud d’Idiofa, occupant les deux rives de deux rivières.
Plus tard un groupe de Ding orientaux quitte la région de la « Mulasa » (Lubwe) et il se dirige vers l’Ouest. Ce sont les Ding de Nkum Mukaar (Kindwa).
Enfin la dernière poussée des Ding est celle du chef Makoon et, probablement aussi Intswem, venus de la direction de la rivière Pio-Pio pour s’installer dans leur territoire actuel 1 .
Ce schéma de peuplement esquissé par Struyf a servi, comme nous l’avons déjà indiqué, de base à l’histoire écrite depuis Mertens et jusqu’à très récemment encore. Tous les historiens y ont butiné et souvent sans effort critique. Mais ces dernières années l’histoire des migrations telle que reconstruite par Struyf a été remise en question :
-La première interrogation porte sur l'origine de cette tradition. De qui le missionnaire détient-il cette version des faits ?
- La seconde concerne la collecte plus intensive de traditions orales et leur confrontation avec les données anthropologiques et linguistiques qui contredisent les certitudes affichées par la théorie de Struyf. Aujourd’hui, on ne parle plus de déplacement de colonnes d'immigrants transportant tout leur fourniment , mais plutôt d'une expansion progressive sur le modèle du déplacement des villages ou sur celui de contrat de cession de terrain entre différents groupes 2 .
STRUYF, Y., « Migrations des Bapende et des Bambunda » in Congo, I (1931)5, p. 667-670.
STRUYF, « De Verhuizingen by de Kamtsha “ in Congo, II (1936), p. 343-350.
MERTENS, Les Ba Dzing…, op.cit., p. 9.
Idem, p. 9-18.
Lire VANSINA, Sur les sentiers…, op. cit., p. 55-66.