7. 4. UN FÉTICHE PROTECTEUR

La croyance aux fétiches est pour les missionnaires un autre signe du paganisme et de la barbarie des Ding. Struyf parle d’un fétiche protecteur qu’il a trouvé placé au milieu d’un village.

Ce fétiche consiste « en un stick placé au milieu du village ; au sommet, ce stick est entouré d’une écorce d’arbre, et enduit de « nbula » 2 produit rouge extrait d’un arbre que nos noirs d’ici achètent chez les Bankutu ou Basonga-meno, peuplade guerrière qui habite la rive droite du Kasaï et du Sankum 3 . Ceux-ci aussi vont l’acheter bien loin, auprès de leurs confrères qui habitent dans les grands marais de l’ancienne cuvette du Kongo. Cet arbre ne croit que dans ces parages marécageux » 4 .

Le Jésuite explique que « le fétiche protecteur est invoqué et honoré, surtout au moment où la chasse ne produit plus de gibier. Les arcs et les flèches, et les grands filets que l’on tend dans les forêts, n’ont plus d’effet sur les antilopes, et c’est alors qu’on a recours au fétiche » 1 .

Voici comment se fait l’invocation du fétiche protecteur :

‘Le chef du village, accoutré d’un costume spécial orné de grelot aux bras et aux jambes, coiffé d’un casque garni de plumes d’oiseaux rapaces, vient faire un sacrifice au fétiche protecteur pour le rendre favorable et surtout pour avoir du gibier. Ce sacrifice consiste en une poule dont le sang sera répandu sur le fétiche. Tout le monde y assiste, hommes, femmes et enfants ; le chef, et toute l’assistance, ont les bras, la poitrine et la tête striés de lignes blanches 2 et rouges 3 . ’

Autour du fétiche, le chef du village avec ses gens « entonnent un chant 4 et dansent une ronde sauvage, pour que le fétiche leur soit propice ».

Ce chant se continue pendant qu’on immole la poule. Ce fétiche protecteur s’appelle « Mpungu ». Struyf développe l’origine de ce mot « mpungu ». Il note que, puisque le chant qu’on exécute pendant Le chant accompagnant l’immolation de la poule dit que « Dieu est le tout puissant » 5  : pour Struyf, cela signifie qu’à « l’origine le sacrifice était offert à Dieu, à l’Être suprême » 6 . Pour étayer son argument, il recourt à son expérience antérieure vécue dans le Bas-Congo. Il écrit :

‘Dans la peuplade des Bakongo, qui sont des Bantus des savanes venus du Sud, j’ai remarqué la même chose ; quand ils allaient faire la guerre à un village ennemi, ils immolaient d’abord une poule au fétiche protecteur ; mais avant de l’immoler, le féticheur prenait la poule, l’élevait vers le ciel et disait : « Esprit du ciel, Dieu, voilà votre sacrifice ; nous mangeons ce qu’il y a de la poule, mais ce qu’il y a de l’homme, nous le discutons en palabre. » C’est bien reconnaître le souverain domaine de Dieu sur toutes les créatures. Dieu leur était connu à l’origine ; la notion de Dieu ne leur est pas venue après les fétiches ; elle n’est pas une dérivation de leurs fétiches. Dans la semaine ethnologique tenue l’année dernière à Tilbourg, ces quelques notions auraient été reçues avec enthousiasme. Nzambi Mpungu, dit la prière citée plus haut ; ce Mpungu, on l’entend dans toutes les races bantoues ; et Mpungu ne peut avoir d’autre signification que « fort » ; nzumbi mpungu, c’est le Dieu fort par excellence. De là sont venus tous ces fétiches protecteurs qui s’appellent mpungu 7 .

Mertens cite le « mpung » parmi les fétiches. Il est censé procurer du gibier.

Le fétiche « mpung » est un charme de chasse plutôt qu’un fétiche protecteur. Il est censé procurer à celui qui le détient l’agilité de l’aigle pour chasser et capturer sa proie. Il y a dans ce charme une appropriation symbolique de la force du rapace.

Notes
2.

L’auteur veut parler de « nkula » (tukula, nkol) ou phare rouge. La poussière rouge de cet arbre sert comme cosmétique ; elle intervient aussi dans la fabrication de plusieurs fétiches et dans les recettes de certains médicaments traditionnels.

3.

Il s’agit du Sankuru, affluent du Kasaï.

4.

STRUYF, « Mœurs et coutumes… », op.cit., p. 371.

1.

Idem, p. 371-372.

2.

L’auteur explique l’importance de la couleur blanche dans un autre passage. Cf. infra.

3.

STRUYF, « Mœurs et coutumes… », op.cit., p. 371.

4.

STRUYF donne la traduction d’un chant qu’il aurait noté chez les Bangoli. Il dit que ce chant qu’il a attendu au village Matcho, doit être fort ancien parce que les gens de ce village n’ont jamais été en contact avec les blancs. Voici la traduction de ce chant : « Dieu est le tout puissant, le très fort ! Et la force d’un homme vient de sa mère ».

5.

STRUYF, « Mœurs et coutumes… », op.cit., p. 372.

6.

Idem, p. 372.

7.

STRUYF, « Mœurs et coutumes… », op.cit., p. 371-372.