7. 5. LES COULEURS ET LA SYMBOLIQUE DE CHIFFRES

Dans ses écrits, Struyf attire l’attention de ses lecteurs sur l’importance accordée par les Ding à certaines couleurs et à certains chiffres dans les différents rites et cérémonies qu’ils organisent. Le rouge et le blanc sont les couleurs fréquemment utilisées. Dans son texte de 1921, Struyf note, par exemple, « Tout à coup je vois un groupe nouveau, arrivant à l’extrémité du village : tous avec des lances et des flèches, revêtus de pagnes du pays d’une épaisseur énorme, des grelots aux pieds, la figure barbouillé de rouge et de blanc , gesticulant, tournoyant sur eux-mêmes, lançant flèches et lance » 1 . Il parle encore par deux fois, de ces deux couleurs, dans l'article de 1923 : d’abord à propos des soins à apporter au cadavre : « on enduit tout le corps de « nbula » sorte de graisse rouge  ; sur les mains, les bras et la poitrine, on trace des lignes de « mpemba » terre blanche  » 2  ; ensuite à propos du cercueil : « Le tronc d’arbre est enduit de terre rouge et de terre blanche  » 3 . Dans ce même article, le fondateur d’Ipamu insiste sur la couleur blanche, employée dans toutes les circonstances de la vie :

‘La couleur blanche, le « mpemba », est, du reste, employée dans presque toutes les circonstances : un homme qui vient de perdre sa femme, au moment de la mettre dans le cercueil, est enduit de blanc en entier, avec quelques stries de rouge ; pour tout costume, il porte une loque qui passe entre les jambes, juste de quoi cacher sa nudité ; les enfants d’une femme qui vient de mourir ont la tête tout entière enduite de blanc et de rouge ; c’est abominable à voir !’ ‘Dans toutes les maladies, le sorcier trace des lignes blanches sur les bras, la poitrine et le front des malades, plus aussi aux extrémité des yeux… Encore de vrais sauvages. Quand on veut éloigner la pluie, on s’enduit le corps de lignes blanches 4 .’

Mertens indique que chez les Ding de la Kamtsha, le cadavre du chef est «  tout entier enduit de rouge de « nkul » 5 .

Struyf parle du chiffre neuf : «  Ceux qui ont arrangé le cadavre reçoivent pour leur peine neuf nzimba ; ce chiffre neuf est intéressant à trouver ici. J’ai déjà noté ce chiffre dans bien d’autres circonstances : paiement du sorcier, annonce du décès à la famille du défunt quand elle se trouve dans un village étranger… » 2 .

Qu’il s’agisse des couleurs ou des chiffres, la littérature missionnaire s’est limitée à les décrire sans chercher à s’interroger sur leur profonde signification. Et pourtant les anciens, encore nombreux à l’époque, devaient connaître les motifs et l'histoire de leur usage.

Notes
1.

STRUYF, «  Ma première visite… », op. cit., p. 133. Mots soulignés par nous.

2.

STRUYF, « Mœurs et coutumes », op.cit., p .254

3.

Idem, p. 255

4.

STRUYF, « Mœurs et coutumes », op.cit., p. 372.

5.

MERTENS, Les Badzing…, op.cit., p.227. À propos des couleurs, lire aussi NKAY, Terre de Dieu…, op. cit., p. 67. Il n’existe pas encore d’études anthropologiques pouvant nous éclairer sur le symbolisme des couleurs rouge et blanche chez les Ding orientaux. Nous savons, cependant, avec plus ou moins de certitude, qu’en Afrique noire, le blanc est la couleur de la mort et du séjour des morts. Les revenants qui apparaissent aux vivants sont blancs.

2.

STRUYF, « Mœurs et coutumes », op.cit., p. 254. En ce qui concerne la symbolique des chiffres, elle reste aussi inexpliquée. Ce que nous savons c’est que le chiffre 3 et ses multiples ( 6, 9,18, 27, etc.) sont employés dans beaucoup de circonstances.