8. ORGANISATION POLITIQUE

La littérature des missionnaires jésuites, comme autrefois celle des Scheutistes, est pauvre en ce qui concerne l’organisation et les institutions politiques des Ding orientaux. L’unique information que Struyf nous fournit explicitement est que ces Ding ont un seul chef portant le nom de « Mukene » et résidant à Mbel. Mertens n’est pas très prolixe non plus. Il écrit « Mukene est le nom d’un grand chef qui règne sur une partie de ces gens, son village est Mbel à une dizaine d’heures au sud d’Ipamu », mais il ajoute un détail important : «  On dit qu’il a un collègue dans l’entre Lubwe-Lwangue  » 5 . « Mukene » (Munken) serait-il donc le titre du grand chef des Ding orientaux ? Ce titre, le chef résidant à Mbel, n’était pas le seul à le porter. Un autre chef, d’après les informations de Mertens, régnait entre la Lubwe et la Loange. Il s’agit probablement de l’ancêtre de l’actuel groupement Ibo. Les Jésuites ne nous apprennent rien sur l’organisation des cours de ces chefs, pas davantage sur le mode de succession au pouvoir et sur l’étendue du pouvoir de ces chefs.

Tandis qu’il analyse longuement l’organisation politique chez les Ding de la Kamtsha dépendant du chef Kandolo, Mertens s'intéresse à un personnage très peu connu, la femme-chef : « Ainsi la femme-chef que les Blancs appellent Kumukari n’est que le nom massacré de « nkum mukaar »= femme-chef » 6 . Le Jésuite précise que ce personnage est également rencontré chez les Ding orientaux.

Mertens reconnaît aussi que chaque village avait son chef : celui d’Ipamu s’appelait Kumu-Kumu. À sa mort, il a été remplacé par Kabongo. Le chef Miya dirige le village Mandzom. On peut glaner, en faisant une lecture plus critique de toutes les sources jésuites, un certains nombre d’informations sur le fonctionnement des institutions politiques chez les Ding orientaux, sur l’essence du pouvoir et sur le mode de succession 1 .

Finalement, les écrits des Jésuites nous apprennent, qu’avant l’implantation coloniale et missionnaire, les Ding orientaux ne vivaient pas dans l’anarchie. Leur société était politiquement, culturellement et économiquement ordonnée suivant des principes et une logique qui échappaient aux missionnaires.

Pour les Jésuites, ces écrits représentent un incontestable effort pour collecter des informations utiles à leur apostolat et légitimer leur action en Belgique. Malgré ses limites et son orientation édifiante, cette littérature prépare le terrain à une ethnographie scientifique. Notre troisième partie, en choisissant de se placer du point de vue des Ding, permet néanmoins de mesurer la distance qui continuait à séparer le regard missionnaire de la culture réelle des populations évangélisées à la veille de la Seconde guerre mondiale.

Notes
5.

M.M.I., janvier 1940, p. 4-5.

6.

MERTENS, Les Ba Dzing…, p. 332.

1.

Nous reviendrons sur l’organisation politique des Ding orientaux dans la troisième partie de ce travail.