TROISIÈME PARTIE
LA CHÈVRE ET LA CROIX : DIFFICILE APPROPRIATION DU CHRISTIANISME PAR LES DING ORIENTAUX

« Il est pénible de s'entendre dire par des savants étrangers que, dans le passé, l'ingénuité de vos aïeux était si limitée par la « tradition culturelle » que les gens étaient condamnés à se répéter continuellement et à rester enlisés dans la même ornière depuis les temps immémoriaux. Cette vue découle simplement d'une grossière incompréhension. Et s'entendre dire par autrui que, par manque de sources écrites, aucune trace de votre passé ne peut être récupérée n'est pas une consolation; comme si des traces vivantes de ce passé ne faisaient pas partie intégrante de la vie quotidienne! »
Jan VANSINA, Sur les sentiers...]

Il est impossible de comprendre les différentes réactions des populations autochtones, si on ne se réfère pas à leur façon de voir le monde, à leur manière de vivre et d’affronter l’histoire. Cette vision du monde a été façonnée pendant des millénaires dans un environnement physique, démographique et économique qui a généré un système social, une organisation politique et un corps de croyances religieuses. Nous avons indiqué dans le chapitre précédent qu’une lecture attentive des écrits de Jésuites montrait que la plupart des textes comportaient deux strates. D’une part, une description plus ou moins « objective » des phénomènes observés et d’autre part, les commentaires postérieurs du savant. Cette observation vaut pour un grand nombre des sources de l’époque coloniale. Si, jusque-là, nous nous sommes risqué à décrire ce que les missionnaires et les autres coloniaux ont vu, entendu et fait, dans les deux chapitres qui suivent, nous tenterons d’examiner ce qu’était,« en réalité », cette société des Ding orientaux sur laquelle les « occidentaux » ont porté leur regard.

Nous essayerons donc de reconstituer ce qu’a été la société des Ding orientaux avant la colonisation et l’implantation missionnaire. Cette restitution est possible en confrontant les observations, déjà évoquées, des voyageurs européens, des coloniaux et des missionnaires (scheutistes et jésuites) avec les traditions orales collectées depuis quelques décennies et les études anthropologiques menées par les chercheurs étrangers ou autochtones jusque vers les année 1980.