1. 3. 4. La Pio-Pio

Cette rivière coule à l'ouest du pays des Ding orientaux et se jette dans le Kasaï en aval de Mangaï près d'une petite cité qui porte, elle aussi, le nom de Pio-Pio. Les Mbuun dont elle traverse le territoire au sud et au centre, la nomment « Lungu » dans sa partie supérieure. Lorsqu'elle entre dans la région de Musanga et Lwel Ekubi où les Mbuun se mélangent aux Ding, elle porte le nom de Lwele. Avant de se jeter dans le Kasaï, les Ding de l’Est et de l’Ouest, les Ngwi et les Lori la surnomme Pio-Pio.

Son plus important affluent, la « Punkulu » prend sa source non loin d'Elom et la rejoint dans une zone située entre les villages Musanga et Mukoko. Sur certaines cartes elle est lui simplement nommée « Punkulu » confondant ainsi la rivière et un de ses affluents.

Sur d'autres cartes, elle porte le nom de « Lie ». Ndaywel estiment que cette appellation serait le fait des Ngwi habitant le bassin inférieur de la rivière 1 . Il nous semble que « Lie » n'a aucune signification spéciale. C'est une déformation de mot Ding « Lue » qui signifie « rivière ».

Le terme Pio-Pio est, quant à lui, une onomatopée désignant la couleur très sombre des eaux 2 .

La Pio-Pio semble avoir joué un rôle dans l'histoire ancienne du peuplement du Bas-Kwilu. D'abord, par le fait de l'insertion d'une communauté des Ngwi dans son bassin inférieur entre les Ding occidentaux et les Ding orientaux. Ces Ngwi, nous le savons aujourd'hui, présentent plus d'affinités linguistiques et culturelles avec les populations du groupe Mongo qu'avec celles du groupe Yans-Mbuun.

Ensuite, par le fait qu'elle constitue, dans l'imaginaire, une frontière conventionnelle entre l'est et l'ouest.

Enfin, comme pour toutes les grandes rivières, le bassin de la Pio-Pio a été un lieu de rencontre et de brassage des populations: Ding orientaux, Ding occidentaux, Mbuun, Lwel et Ngwi.

Pour cette rivière, nous n'avons pas trouvé de témoignages écrits ni sur son cours ni sur les moyens et les objectifs pour naviguer sur cette rivière. Nous savons seulement que les agents de la C.K et d'autres compagnies l'ont parcourue à la recherche de l'ivoire, du caoutchouc, des palmistes et plus tard de l'huile de palme.

En 1904, la Pio-Pio est mise en avant pour des raisons économiques au Congo et en Belgique  La Tribune Congolaise annonce la découverte de l'or par Van Trier « dans le Lié, petite rivière qui débouche dans le Kasaï entre Eiolo et Mange » 3 .; à la même période, un agent de la C.K,. Kemmerich, prétend avoir trouvé de l'or à Mangaï 4 . Les échantillons qui ont transité chez Mr. Dryepondt, directeur de la C.K, à Dima, vont atteindre les laboratoires spécialisés en Belgique qui constatent que les pierres brillantes de la Pio-Pio et de Mangaï ne contenaient pas de l'or.

En plus de ces quatre grandes rivières, le pays de l’entre Pio-Pio-Loange est sillonné par de nombreux ruisseaux (lue, mbing…) de taille variable portant chacun un nom propre. Il existe aussi des lacs (iwa). Ces ruisseaux et ces lacs regorgeaient autrefois de poissons et la pêche dans ces eaux douces était réservée aux femmes. Toutes ces rivières, grandes et petites, ont été d'un apport certain pour la subsistance des populations de la région qui ont tiré profit non pas seulement des ressources halieutiques dont elles regorgeaient, mais aussi de toute la gent animale qui grouillait dans la forêt le long de ces cours d'eau.

Les grandes ont, pour leur part, constitué des voies de communication et de commerce dont il faudra mesurer les incidences dans l'ensemble du système économique ancien du bassin du Congo. Il n’est guère étonnant que la société de Ding orientaux ait produit une élite très active de pêcheurs, de commerçants ainsi que d’habiles navigateurs, les « Nzadi ». Ceux-ci contrôlaient le cours moyen et supérieur du Kasaï depuis les environs de l’embouchure de la Kamtsha jusqu’aux alentours de Luebo. Dans la régions habitées par les Lele et les Luba, sur la rive droite de la Loange, les « Nzadi » qui y ont fondé leurs colonies sont appelés « Baringa » ou « Badinga ». Van Wissmann qui ne tarit pas d’éloges pour l'habileté de ce gens en matière de navigation fluviale 1 , dit en avoir embaucher quelques-uns dans son premier équipage qui a fait la descente du Kasaï en partant de Luluabourg. Ces adroits navigateurs fluviaux ont aussi remonté le Sankuru et ont assuré un lien permanent entre les populations de cette région et celles des rives du Kasaï.:

Notes
1.

NDAYWEL, Organisation Sociale…, op.cit., p. 20.

2.

Dans la plupart des langues de la région l'adjectif « pio » signifie « noir ». « Pio-Pio » signifie donc littéralement « noir, noir », c'est-à-dire « très noir ».

3.

M. G., 1904, col. 521.

4.

Idem, col. 561.

1.

Von Wissmann affirme : « Les Badinga sont les navigateurs fluviaux les plus adroits que je connaisse : une pirogue complètement équipée, dans laquelle jusqu’à 12 hommes se tenant debout les uns derrière les autres, actionnant des pagaies longues de deux mètres réussissent à se maintenir à la même hauteur que le “ peace ”.Une pirogue ainsi pourvue d’un équipage, présente un aspect magnifique. Les silhouettes solides, musclées d’un brun foncé qu’en cadence balançaient les pagaies de manière élastique, pliaient régulièrement les hanches ».À un autre endroit l’Allemand écrit : « Le Mudinga est un commerçant né. Dans quelques villages où les Européens et les Baluba sont entrés avec les armes à bon prix, les hommes apportèrent ce qu'ils pouvaient traîner avec eux pour le proposer à la vente ». Von WISSMAN, op.cit, p.651.