2. 3. 3. Répressions des résistances

L’intrusion des Européens est mal vécue. Elle ne manque pas de susciter des affrontements armés : répressions de révoltes causées par les travaux forcés, l'exploitation du caoutchouc naturel, l'exploitation des palmeraies, la coupe des bois pour les steamers, le portage à dos d'hommes et les recrutements de la main-d’œuvre.

Les témoignages oraux et écrits parlent des représailles sanglantes, de mort d'hommes, d'incendie des villages, des fouets, des relégations, d'humiliation publique 3 , etc. Le substitut Charles Greban de Saint-Germain donne un exemple de ce régime de terreur tel qu'il règne en 1901 dans le territoire qui dépend du poste d'État de Lubwe 4 .

Les recrutements des indigènes pour le portage, la coupe de bois, le service militaire et, ensuite, pour les plantations de palmeraies et d'hévéa, et, enfin, pour ce que les autochtones ont appelé « kisalu ya mafu » 3 finirent par accélérer le processus de dépeuplement et à créditer le mythe du « Blanc cannibale » 4 .

Notes
3.

Une version des traditions du clan « Ntshum » indique « qu’à l’époque où les blancs recherchaient partout du caoutchouc, Munken Kikpanza, subit la pire d’humiliation qu’un homme noble puisse supporter. Les blancs, après l’avoir fouetté, le força de coucher publiquement avec sa sœur.  Buul, son successeur, Munken à Kapia, fut arrêté et envoyé en prison à Luebo ». Lire Nkay, Histoire des Ding…, op.cit., p. 39-40.

4.

En 1901 De Gallaix [ Louis], chef de poste de Lubue, se rendit à Eolo [ situé à l'embouchure de la Kamtsha] en juillet pour y contrôler les agissements de la SAB installée dans cette localité. Dès son arrivée, il arrêta tout le personnel noir de la SAB; puis il fit des perquisitions et des saisies illégales chez le blanc. Il lia un sergent à un arbre et le laissa exposé au soleil pendant trois jours, donna du fouet aux travailleurs de la SAB pour obtenir de ceux-ci des déclarations défavorables à l'agent de la société, et après huit jours revint à Lubue en emmenant des nombreux prisonniers parmi lesquels des indigènes d'Eolo. En route, un de ceux-ci, vieux et malade, poussait des soupirs. Impatienté De Gallaix donna l'ordre de le bâillonner, ce qui fut fait. L'homme mourut, probablement étouffé. Je fis l'enquête et transmis le dossier à Boma aux fins de poursuites. Aucune suite judiciaire ne fut donnée à cette affaire. Je sais seulement que M. De Gallaix fut déplacé.

En 1901 le commandant de Wulf fut accusé d'avoir, à Benda Bendi, tué un indigène d'un coup de fusil de chasse. Mon prédécesseur fit l'enquête et je vis le dossier au moment de reprendre le service. Le fait me paraissait établi. Le dossier fut transmis à Boma. Aucune réponse ne me parvint. De Wulf est mort en Europe.

En 1901 j'appris en faisant d'autres enquêtes dans la Loange que M. Delvin [ Louis], alors lieutenant, avaient fait une expédition dans cette région, rive droite de la rivière, a l'intérieur. On racontait qu'il avait attaqué des villages paisibles et tué plusieurs personnes. J'informai le procureur d'état en demandant des instructions. Il ne me fut jamais répondu. (MARCHAL, L'État libre du Congo..., p. 377).

3.

Kisalu signifie travail et mafu est une déformation du verbe français « s'en foutre » conjugué à la première personne. Il s'agit probablement de l'imitation d'un recruteur qui répétait « je m'en fous ». « Kisalu ya mafu » désignait ce travail pour lequel les Blancs recrutaient les gens et les emmenaient loin de chez eux, souvent sans espoir de retour.

4.

La question du cannibalisme sera traitée au dernier chapitre de ce travail.