3. 2. 3. La cueillette et le ramassage

La forêt et la brousse recèlent, à l'époque ancienne, des ressources naturelles à ramasser ou à cueillir. Vansina indique qu'il est important et même urgent d'entreprendre une étude systématique et profonde de toutes les connaissances liées à l'activité de la cueillette dans les sociétés anciennes : « Un tel savoir scientifique, note-t-il, comme fin en lui-même représente un aspect caractéristique essentiel qu'il faut reconnaître et garder en mémoire pour comprendre les relations de ces peuples avec leur habitat. Ces connaissances leur fournissaient un large éventail de choix pour répondre à des nouveaux buts sociaux ou culturels recherchés » 2 .

Les Ding orientaux prélèvent dans leur espace environnant une quantité importante et variée de biens qui leur servent à vivre. Ils ont d'abord su exploiter les aliments que leur offrent généreusement la nature en toute saison. Parmi ceux-ci, il y a une grande variété de légumes (okii u nkung, manier ma kipin, etc.), de fruits (ipom, mankenkel, kiel ki duu, etc. ), de champignons (twum, nsa bwo, ntun, bele, nding'n, ikukwum, bwatié, bupom, nsée, etc. ), de chenilles (misa, minsong, mimpimpi, mimbam, mimbiem, misel, etc. ), d'insectes ( to, ngaal, mpoa, etc.) et de larves (nsol'e, makul, etc.). Ensuite, pour se soigner les Ding et les Nzadi recourent à la forêt pour avoir les plantes médicinales, les poisons et leurs antidotes. Les matériaux nécessaires au tissage ( raphia, écorce d'arbre), à la vannerie ( nkpel, mikan, nzwam, etc.), à la construction des habitations (sticks, bambous, feuillages pour le toit), etc. proviennent aussi de la forêt. Celle-ci comme la brousse fournissent aussi d'autres éléments particuliers : condiments (ndung, lampe'l, etc.), produits de beauté (nkol, mpiam, etc.), terre pour la poterie (ibwo), colorants, produits pour faire briller les dents, etc.

La cueillette des produits vivriers est réservée aux femmes. Excepté la terre pour la poterie qui est aussi l'apanage des femmes, les hommes n'apportent généralement leur contribution à la collecte des matériaux nécessaire aux différentes activités artisanales.

Cueillette et ramassage, maintenus jusqu'à nos jours, ont constitué un élément non négligeable dans le fonctionnement et l'articulation de l'économie ancienne. Vansina souligne ce fait :

‘L'importance de la cueillette dans la tradition équatoriale était telle que, même après 1900, l'économie de certains groupes « rappelle fortement une économie de cueillette ». Récolter de la nourriture était une entreprise d'une extrême complexité, présupposant de vastes connaissances et une stratégie d'utilisation lucide. Cette complexité se révèle par l'étonnante variété des produits recueillis : feuilles utilisées comme légumes, riches en minéraux, en vitamines et parfois en protéines végétales, fruits avec leurs lipides et leurs vitamines, racines avec leurs hydrates de carbone, fourmis, larves, chenilles, escargots, crabes, mollusques, poissons, tous sources de protéine animale concentrée, champignons avec leurs sels minéraux et leurs vitamines, miel avec ses sucres, drogues tels le kola ou la drogue hallucinogène iboga... 1

Le ramassage et la cueillette entretiennent aussi un rapport avec le pouvoir et le sacré. Ainsi, par exemple, est-il interdit à la femme chef (Nkumukoor) de ramasser les chenilles ou de cueillir des champignons. Si, par hasard, elle déroge à cette règle, elle met en péril toute cette chaîne de production et peut, de cette façon, hypothéquer l'abondance de ces produits pour les saisons à venir 2 . Par contre, pour ne pas tenter la femme-chef d'aller elle-même faire la cueillette, toutes les femmes du village ou de la région proche, ont l'obligation d'offrir une partie de leur collecte à la « Reine ».

Aujourd'hui, il n'est pas rare d'entendre les gens commenter la famine au village par le fait de l’inobservance des règles traditionnelles par les chefs actuels. Colons et missionnaires sont accusés d'avoir troublé l'harmonie et l'équilibres de la région.

Notes
2.

VANSINA, Sur les sentiers..., p. 113

1.

VANSINA, Sur les sentiers..., p. 112

2.

Cette croyance découle de l'idéologie selon laquelle le pouvoir royal à pour fonction d'assurer la prospérité de tous. Grâce à sa vigilance, la nature devenait généreuse, les récoltes étaient abondantes, les chasses fructueuses, les femmes fécondes. Le roi (ou la reine), prêtre et garant de la prospérité, était sollicité pour bénir la terre et à ce titre il ne pouvait pas se mêler à sa mise en valeur. Cette idéologie explique, par exemple, le fait que les traditions des Kuba attribuent à Shyaam a Mbul a Ngwoong des miracles comme multiplier les chenilles ou les sauterelles et transformer les racines d'arbres en manioc pour nourrir son peuple en temps de disette. Cfr. NDAYWEL, Histoire générale du Congo..., p.63 &119.