3. 3. 2. Travail de l'osier

Il faudrait ici distinguer le travail des femmes de celui des hommes.

- D’une façon générale, la confection des paniers ( et corbeilles), des hottes et des petites nasses pour la capture des poissons en eau douce relèvent de métiers des femmes. Savoir tresser un panier ou une hotte est pour chaque femme une nécessité de la vie en ménage. Apprendre à confectionner les paniers n'est pas obligatoire ; par contre le tissage d'une hotte (surtout celle faite avec les rameaux de l’elæis) s'impose comme une tâche ménagère normale. C'est avec cette hotte (muter) que la femme au foyer transporte tout ce qu'elle peut : eau, bois de chauffage, manioc, maïs, etc. La hotte faite avec les palmes ( muter) est un assemblage de deux branches d’elæis dont on a entrelacé, avec un certain art, les feuilles. Le résultat constitue une pièce rectangulaire qui s'adapte au dos exactement. Deux solides lanières font fonction de bretelles. Le plus souvent une bande de suspension accessoire (mpaa) passe sur le front et rejoint le haut de la hotte à la hauteur de l'épaule 1 . Il semble bien que ce mode de portage soit plus récent ou, en tout cas, postérieur au portage par panier « isuk ».

Il serait lié au développement de la demande du marché qui exigeait une circulation et une commercialisation de plus en plus intenses d'importants volumes des produits 2 . L'essor du manioc et du vin de palme ( surtout les énormes quantités produites par le raphia du marais) a dû contribuer à ce changement. La façon d'empiler les produits dans une hotte tient compte de leur spécificité. Si, par exemple, le manioc est encore humide et vient de sortir des étangs de rouissage (nkun nswo), les femmes préparent un canal d'écoulement, en feuilles, en bas de leur hotte; elles empêchent de cette façon que le jus ne leur coulent dessus au cours du transport. Elles n'ont par contre pas besoin de ce procédé pour empiler et transporter le maïs ou les calebasses de vin.

Le portage au dos distingue les cultures de la forêt de celles de la savane où les femmes transportent leurs charges sur la tête. Cette différence proviendrait des exigences du milieu physique. Le transport dans des zones forestières obligeant à suivre des sentiers tortueux, parfois jalonnés d'obstacles (troncs d'arbre à dépasser, entrelacement des lianes, buissons à écarter au passage, etc.) est plus aisé avec une hotte au dos plutôt qu'un panier sur la tête.

Le tissage des paniers exige comme matière première les plantes suivantes : ladjwam (Trachyphynium poggeanum), lakpel (rotin) et mukan (rotin). Souvent, ce sont les hommes qui préparent le matériau pour leur femme ou leur fille. Formes et dimension des paniers sont adaptées à l'usage prévu. La touche de l'artisan lui-même comptait aussi beaucoup pour l'acquisition de ces objets par des tiers.

Il serait intéressant d’ébaucher une typologie de ces différents paniers : ntwar(petit panier étalon), nsa (panier de taille moyenne servant par exemple à écoper l'eau à la pêche, à transporter les graines d'arachides pour la semence, etc.) ; mulong (grand panier servant de récipient pour conserver les pains de manioc, le maïs ou l'arachide. Pour écoper l'eau, le mulong est, parfois utilisé comme filtre pour empêcher les poissons de s'échapper. On l'utilisait parfois comme filtre pour ne pas laisser échapper les poissons lors qu'on écope l'eau) ; isuk ( panier fabriqué avec les rotins et servant au transport). Il est mis au dos, comme une hotte, avec deux solides lanière qui le rattachent aux épaules) ; ziang (panier à vanner, est aussi utilisé pour sécher certains produits comme les champignons, les chenilles, les fourmis, etc.), kindung est une petite nasse pour capturer des poissons en eau douce.

Les hommes tressent de grands paniers pour transporter des noix de palme (musan) 1 . lls confectionnent aussi de nattes et des grabats. Il y a des nattes en bambou (nteng) et des nattes en osier (itoko). Les unes et les autres servent avant tout de lit. Les Mbuun plus que les Ding sont passés maîtres dans la fabrication des nattes en bambous. Les Ding excellent dans la confection de natte en osier (itoko) dans certains villages Ding où les joncs (nkung) sont abondants (par exemple à Ngyenkung).

Dans presque toutes les régions, les hommes tissent de grandes nattes (kikabene) servant à sécher les graines, notamment les arachides. Les grabats sont entièrement constitués de bambous du laurentii reliés avec les rotins (nkpel). Il y a deux sortes de grabats : le long grabat-lit (mumpwom) et le petit grabat-chaise (ipon).

Notes
1.

Cf. MERTENS, Les Ba Dzing..., p. 361 & NDAYWEL, Organisation sociale..., p. 53.

2.

Le délai minimum pour un artisan qui fabrique un panier « isuk » est d'au moins quatre à cinq jours parce que l'artisan doit aller chercher sa matière première en forêt, la préparer puis commencer la confection proprement dite. Pour une femme fait une commande ou tresse elle-même son panier, ce délai ne lui permet pas, par exemple, de pouvoir se conformer au rythme de la production de la cikwangue qui comporte presque la même durée. Or la hotte en palme, bien que moins solide, est facile à fabriquer dans un délai très court (un à deux jours). Elle permet à la femme de respecter les délai du marché. Si elle fabrique sa hotte le lendemain d'un marché, elle peut l'utiliser pour aller vendre sa cikwangue au marché suivant.

1.

Il semble bien que le « musan » des Ding soit le même panier que les Luba appelle « musanda » et qui servait au transport des boules de caoutchouc.