1. 1. 1. Communauté de sang, fondement de la parenté

Les Ding orientaux croient que les liens de parenté se transmettent par le sang (makl) que nous héritons de notre mère. Tous ceux qui prétendent bénéficier du sang d’une « mère éponyme » commune se considèrent comme « frères et sœurs ». Ils sont parents et se désignent par le terme « utung » (parent). Le vocable « utung » dérive manifestement du verbe « u-tung » signifiant « construire ». La parenté serait donc les liens qui « construisent », qui se tissent autour de la communauté de sang et, les parents « Ba-tung » (pluriel de utung) seraient non seulement tous ceux qui sont affectés par ces liens, mais aussi tous ceux qui ont jadis bâti ensemble, qui aujourd'hui « bâtissent ensemble » et demain bâtiront encore ensemble dans la société des défunts 1 .

La tradition ramène toujours tous les « batung » actuels à une même origine historique et explique le fait de la dispersion dans l'espace par la méchanceté et l'égoïsme des hommes.

Les Ding orientaux croient aussi que les liens de parenté sont éternels et ne se laissent altérer ni par le temps ni par l'espace. Chaque individu doit connaître tous ses parents par le sang. Il doit dépister tous ses liens de parenté et les entretenir pour ne pas les laisser s'émousser.

La connaissance de tous les liens de parenté est dictée par la loi de l'exogamie qui, selon Gunther, est « une coutume qui impose aux membres d'un groupe humain, formé de parents ou se considérant comme tel, de ne pas se marier à l'intérieur du groupe » 2 .

Les rapports sexuels avec tous ceux qui, dans le temps et dans l'espace, se considèrent comme parents, sont incestueux (makwum) et strictement prohibés. Pour éviter l'inceste et permettre à la mémoire de retenir tous les liens de parenté éparpillés dans l'espace, la société, à une certaine période de l'histoire, a trouvé nécessaire de fournir aux individus des éléments formels (des sortes de moyens mnémotechniques) permettant de dépister tous les parents. Ainsi la société a doté chaque groupe de parents par le sang, d'un nom, accompagné d'un ou de plusieurs interdits (surtout d'ordre alimentaire) et parfois d'une devise qui définit son statut au sein de la société globale 3 . Aussi, la société se trouve-t-elle composée de plusieurs cercles de parenté repérables grâce à leurs noms propres, leurs interdits et leurs devises. Ce sont les clans (mb'l) que nous définirons plus loin.

En pratique, Ego n'appelle jamais ses proches parents « batung ». Tant qu'il existe un terme plus précis pour qualifier une relation, il doit être utilisé avant tout autre mot générique : bamaa (mère, tantes maternelles), bagyé ( frères et sœurs aînés), bakwam (frères et sœurs cadets), ban (enfants) bankaa (les grands parents), batuil (petits-fils et petites-filles). Tous ceux-ci sont perçus comme vivant une plus grande « union de sang ».

Quant aux autres, ils sont de simples «  batung » par rapport à Ego. Le lien qui les unit à Ego est beaucoup moins étroit et tend à être oublié. Il existe deux niveaux de consanguins : ceux pouvant être considérés comme proches et ceux qui sont lointains.

Il est important de remarquer que le géniteur n'est pas considéré comme un « utung ». Il fait partie d'une autre communauté de sang, celle des pères ( bataa) par rapport à Ego. La catégorie « bataa » comprend le géniteur, ses frères et sœurs, ses neveux et ses cousins matrilatéraux. Entre Ego et « ses pères » (bataa) existe un autre type de rapport spécifique que nous développerons plus loin.

Le système des Ding orientaux est qualifié de matrilinéaire, c'est-à-dire que la filiation, chez eux « se transmet par la femme mais d'homme à homme ». Ils font partie du vaste groupe des peuples matrilinéaires qui occupent la bande nord des savanes du sud-ouest, depuis les peuples du Gabon jusqu'aux Lunda, en passant par les peuples Kongo, ceux du Kwilu-Kwango et du Bas-Kasaï 1 .

Notes
1.

Lire NDAYWEL, Organisation sociale et Histoire…, p. 62-63 ; NKAY, Histoire des Ding..., p.24 -25.

2.

GUNTHER, Le mariage : ses formes et son origine, Payot, Paris, 1952, p. 48.

3.

NDAYWEL, « Histoire et histoire ethnique : quelques perspectives méthodologiques » in Culture, 12(1981)2, p. 63-78.

1.

Lire VANSINA, « Probing ... », op.cit., p. 333-334.