La classe des roturiers est constituée de l’ensemble des personnes qui ont un statut social normalisé. Ils sont des hommes libres (mayul), prêts à donner leur vie pour défendre Munken et son clan. Ils reconnaissent l’autorité et les privilèges de la noblesse. Ils versent le tribut noble au clan princier.
Au sein des communautés villageoises, ces hommes libres se répartissent en classe d’âge comme l’indique J. Vansina : « les Ding donnent aussi un plus grand rôle à l’échelle des âges ce qui n’est le cas chez les Yans, ce qui les rend semblables aux Lele » 1
L’importance accordée à l’âge dénote une influence manifeste des Lele sur les Ding orientaux. Cette catégorisation se trouve liée au mariage polyandrique et semble même avoir affecté le système politique. En fonction de leur participation à la vie publique, les individus sont ainsi divisés en cinq classes d’âge 2 :
- « Twinkwo », c’est-à-dire « excréments de poules ou de coqs ». Cette classe réunit les enfants et les adolescents, de la naissance jusqu'aux environs de 13 à 15 ans. Cet âge maximum est retenu car il correspond au début du maniement parfait d’outils, spécialement l’arc et la flèche. Les membres de cette classe sont appelés « Basetwinkwo ».
En général ces jeunes gens ne participent pleinement à aucune activité publique au niveau du village. Ils n’ont pas droit à une part d’animal à la chasse. Leur participation aux activités cynégétiques est surtout une initiation à cet art. Ce qui fait que pendant la battue, ils sont placés derrière un adulte. Les arcs qu’ils portent, bien qu’ayant la forme de celles des adultes, sont faits de morceaux de bambou et on les appelle « mato ma mpwene ». Les flèches sont sans pointe métallique. L’apprentissage des techniques de chasse commence sous forme de jeux : simulation, tir sur des objectifs fixes ou sur une boule roulante (mbanzu), etc. Ils apprennent aussi à tendre des pièges et à chasser les oiseaux. Ceux qui sont destinés à des métiers particuliers sont initiés par des parents déjà experts en la matière ou par des maîtres en exercice. Ainsi les parents confient-ils leur jeune enfant à un maître forgeron, à un maître chien, à un tisserand, un sculpteur sur bois, un guérisseur, un devin, un chasseur expérimenté, etc.
- « Rib », c'est le groupe auquel appartiennent les jeunes aînés de 15 à 22 ans environ. Il s’agit de la classe des jeunes en passe de devenir des hommes ayant une certaine fonction dans la société. Ces jeunes gens appelés « Baserib », sont encore célibataires et commencent à prendre une part active dans les activités sociales. Ils ont une place à la chasse et ils ont droit à une part de gibier. Ils participent aux travaux champêtres à côté de leurs pères et ils peuvent même avoir un champ distinct de celui des parents. C’est à cette classe d'âge qu'il est fait appel pour certaines missions ou services bénévoles, par exemple porter un message urgent à une personne qui habite un autre village, entretenir les instruments de danse, tanner et astiquer les peaux pour les tambours, etc.
- « Nzum »,cet âge est le premier âge du mariage. Ses membres, appelés « Basenzum », ont droit à une épouse commune(la polyandre). Ce sont des jeunes adultes de 22 à 35 ans environ.
- « Tamnyar » : c'est la classe d'âge qui va approximativement de 35 à 50 ans ; elle est appelée « Basetamnyar ». C'est le groupe des guerriers (bandae ba br) qui assure la sécurité du territoire en temps d’adversité. Ils sont aussi des compétiteurs dans le jeu de lutte traditionnelle (minkar). Ce sont les hommes mûrs qui assurent le rôle de responsable. Ils sont des chefs de familles.
- « Wang » : ce sont les plus âgés, à partir de 50 ans. Ils sont chauves et ils ont les cheveux grisonnants. Les « Basewang » sont exempts de beaucoup d’activités sociales comme les jeux de lutte, le mariage polyandrique, etc. Ils jouent plutôt le rôle d’assistants et de correcteurs. La plupart sont des doyens claniques, grands champions ; ils appartiennent à des associations magiques et religieuses telles que « Mbeem, « Nsib », etc. C’est parmi eux que se recrutent des redoutables sorciers. L’entrée dans ce groupe se présente comme une période d’ultime initiation religieuse des individus appelés à remplacer des notables claniques.
Il faut noter que chaque classe d’âge est dirigée par un chef appelé « Nkm-lung ». Le passage d’une classe à une autre est marqué par un rite qui se termine par le versement par le candidat d’une sorte de redevance appelée « Marabakok ».
VANSINA, J. Les anciens royaumes de la savane, IRES, Léopoldville, 1965, p. 89
Il est important de signaler que les données chiffrées que je mentionne dans la suite de ce texte n’ont qu’une importance relative. La manière traditionnelle d’estimer l’âge des individus ne devait pas nécessairement correspondre à notre comput moderne. Lire aussi KINZAM, Exaltation solennelle…, op.cit., p. 66.