2. TRADITIONS POLITIQUES

Les Scheutistes et les Jésuites, ainsi que les autres auteurs coloniaux, nous ont laissé très peu d’informations sur l’organisation politique des Ding orientaux.

Les Scheutistes reconnaissent l’existence « d’un chef dans chaque village et d’un grand chef de tous les villages » 2 ; en revanche, ils ne font aucun commentaire sur le fonctionnement et les principes de ces pouvoirs. Quel peut être le motif de ce silence ? Nous émettons deux hypothèses en privilégiant la seconde :

-Soit les Pères de Pangu considéraient que leur ministère était seulement destiné « aux travailleurs de la C.K. et qu'à ce titre, ils n'avaient rien à négocier avec les chefs autochtones. Ils s'occupaient des centres où l'on trouvaient des « travailleurs » au service des « Blancs » (Lubwe, Mangaï, Basongo, Dumba, Idiofa, etc.)

-Soit, trop accablés par l'ampleur du travail et par d'innombrables soucis matériels, ils ne leur restait pas de temps disponible pour se consacrer à l'étude et à la recherche. Nous privilégions cette seconde hypothèse car elle nous paraît plausible.

Au vu du nombre des publications, dans les périodiques de la congrégation, nous sommes étonné par l’absence d’articles écrits par les missionnaires de Pangu. Sur les douze Scheutistes qui ont résidé à Pangu entre 1908 et 1919, un seul a publié deux articles dans Mission en Chine et au Congo et ces textes mentionnent essentiellement les activités missionnaires ;il y a peu d'information les populations au milieu desquelles ils sont implantés. Les voyages dans les villages sont souvent courts ; à cette réalité, il faut ajouter la difficulté pour les missionnaires de parler la langue locale ; il est alors compréhensible qu’ils soient restés muets sur une question aussi importante que l’organisation politique des autochtones.

La situation des Jésuites est bien différente. Ils sillonnent régulièrement les villages (surtout le Père Struyf), dans leurs écrits, ils identifient clairement l’organisation politique des Ding orientaux, mais ils ne l’étudient pas en détail. Est-ce la faute des autochtones qui gardaient secret leur traditions ou c'est le refus délibéré des missionnaires, opposés à la « politique indigène » de Louis Franck ?

Pour leur part, les administrateurs coloniaux ont reconnu les différentes instances du pouvoir politique chez les Ding orientaux ; leur but était de les manipuler pour contrôler les populations et non pas pour comprendre leurs structures et leur mode de fonctionnement. Ils ont collecté des traditions auprès des chefs non pas dansl’intérêt de l’histoire, mais pour légitimer leurs procès-verbaux d’investiture et confectionner leurs rapports politiques destinés à leur hiérarchie.

La première ébauche de description du système politique des Ding orientaux qui a un but purement scientifique, est celle de Ndaywel 1 . Cette étude nous paraît néamoins laconique par rapport à l’importance de la question et elle semble dépendante des analyses faites à propos de l’organisation politique des Ngwi. L’enquête semble s’être focalisée sur quelques villages des environs d’Ipamu. Les résultats ne s’écartent pas beaucoup des propositions formulées par Struyf et reprises par Mertens.

Le travail de Kuminsongo ajoute un certain nombre d’éléments descriptifs à celui de Ndaywel, mais il ne pose pas les questions essentielles comme la nature de ce pouvoir politique, son origine et son extension géographique, etc.

Notre propre mémoire de licence en histoire a essayé de décrire ce système d’une façon plus ou moins détaillée en prenant en compte les problématiques non abordées par les deux premiers auteurs. Nous avons eu l’avantage d’avoir choisi un champ d’étude limité : le clan « Ntshum » au pouvoir chez les Ding orientaux. Ceci nous a donné la possibilité de cerner des aspects de la question jusqu’ici inexplorés. Depuis 1979, date de la rédaction de notre mémoire, beaucoup d’autres études ont été faites pour l’obtention des diplômes universitaires, mais aucune de celles que nous avons eu l’occasion de lire n’apporte une nouvelle contribution sur la question du système politique des Ding orientaux. Toutes reprennent soit les propositions de Struyf, soit celles de Ndaywel et Nkuminsongo, soit les nôtres. Il nous semble, au regard de l’état actuel de la recherche, notamment les contributions récentes de Vansina, Ndaywel et Kabona, qu’il soit utile de s’investir à nouveau sur la problématique du système politique des Ding orientaux.

Notes
2.

JANSSENS, Cf. supra.

1.

NDAYWEL, Organisation Sociale…, op.cit., p.193-198.