2. CROYANCE EN UN ÊTRE SUPRÊME (DIEU)

En dépouillant la documentation missionnaire 1 , nous avons été surpris par l’unanimité qu’ils affichent au sujet de la croyance des Ding orientaux à un être suprême. Qu’ils soient Scheutistes, Jésuites ou Oblats de Marie Immaculée, tous affirment, sans réserve, que les Ding Orientaux croient en un Dieu créateur de toute chose, bon et invisible. Ce Dieu, comme celui des chrétiens, rétribue les bons et punit les méchants. Cette unanimité, dogmatiquement affirmée, a empêché des véritables recherches sur ce sujet. Toutes les études, même celles des autochtones, reprennent toujours ce même postulat comme un refrain d’une partition déjà connue. Il nous semble nécessaire d’interroger véritablement 2 les sources pour leur demander si cette croyance en un Dieu Unique relève de la tradition ancienne ou si elle n’est pas non plus une « invention » des missionnaires.

Notes
1.

Le scheutiste JANSSENS écrit : « Ils(les Ding orientaux) reconnaissent un Dieu Créateur de toutes choses, bon et invisible, mais ils ne le servent pas. Ils reconnaissent la méchanceté qu’il y a dans l’adultère, dans le meurtre, dans le vol, et reconnaissent que c’est Dieu qui leur défend ces choses ? Ils ont aussi l’idée du Dieu rémunérateur qui punit dans l’autre vie le mal des hommes et récompense le bien. Ils reconnaissent aussi vaguement la spiritualité et l’immortalité de l’âme. Ils ont les cultes des morts, ils les craignent, ils font de libations de palme à terre pour honorer les morts » ( JANSSENS, Historique de la Mission de Mpangu…, op.cit., p. 4.) ; Le jésuite STRUYF affirme, à propos des populations de la région d’Ipamu, que « Dieu leur était connu à l’origine ; la notion de Dieu ne leur pas venu après les fétiches ; elle n’est pas la dérivation de leurs fétiches » (STRUYF, Y., « Mœurs et coutumes », op.cit, p. 253) ; Quant à MERTENS, il consacre au moins sept pages (235-241) du premier tome de son ouvrage à la question de « Dieu ». Il déclare : « Son existence ( de Dieu) ne saurait faire de doute pour aucun de Ba.Dzing. En cela ils sont conformes au groupe des Bantu » (MERTENS, Les Ba Dzing de la Kamtsha…, op.cit., p.235) ; le Père NIZET (O.M.I) affirme : « Les Badinga et leurs voisins vivent dans le sacré ; ils croient en Dieu créateur, unique, tout-puissant, et tellement bon que ce n’est pas la peine de s’occuper de lui puisqu’il leur fera du bien toujours, jamais du mal » (NIZET, F., « Le sorcier de la Kamtsa »…, op.cit., p.6.) ; enfin J. B. ADAM (O.M.I.) abonde dans le même sens que tous ses prédécesseurs : « Les Badinga, comme d’ailleurs tous leurs congénères du Congo sont très superstitieux. Ils croient cependant à l’existence de Dieu. Demandez à l’un d’entre eux si Dieu existe, il vous répondra affirmativement sans hésiter. Seuls quelques évolués qui veulent se libérer la conscience nient quelquefois, en paroles, l’existence de Dieu, bien qu’en leur for intérieur ils n’en doutent pas. Mais c’est à peu près à cette seule notion d’existence de l’Être Suprême que se borne leur connaissance de Dieu qui est pour eux un Etre abstrait, éloigné, en dehors de leurs concepts matériels. Ils savent bien que c’est Lui qui est le Créateur de toutes choses, qu’Il est le Souverain, le Puissant, qu’il connaît tout, mais ces notions restent très vagues dans leurs esprits » (ADAM, J.B., « Les croyances des Badinga », op.cit., p. 23).

2.

Certains théologiens africains commencent à s’interroger sur les affirmations du genre : « tous africains croyaient en Dieu » ou « les Africains sont incurablement religieux ». Ces formules incantatoires inscrites aux frontispices de la plupart des Traités de théologie africaine  ne relèvent-elles pas d’une vision de l’Afrique unanime et uniforme. Lire MESSI METEGO, E., Dieu peut-il mourir en Afrique? Essai sur l’indifférence religieuse et l’incroyance en Afrique noire, Karthala, Paris, 1997.