2. 1. UN PROBLÈME DE MÉTHODE

Le premier problème auquel la recherche doit faire face quand elle aborde cette matière, est celui de la critique des sources. Sur quoi les missionnaires fondaient-ils leurs affirmations ? Comment les missionnaires sont-ils arrivés à leurs conclusions ? Ont-ils procédé par enquêtes ? Quelles personnes ont-ils interrogé ? Quelles ont été les questions posées ? Quel aurait été le lieu de ces enquêtes ?

Il n’y a, pour le moment aucune réponse à ces questions. Aucun missionnaire – du moins parmi ceux que nous avons cités - ne nous indique comment et auprès de qui il a glané les informations qui lui ont servi à étayer ses affirmations sur l’existence de Dieu. Tout se passe comme s’ils ressassent des chemins battus et qu’ils n’ont nul besoin de preuves pour confirmer l’existence de Dieu. Souvent, ces affirmations émargent dans les rapports 1 adressés aux supérieurs ou dans les articles destinés à la propagande auprès des bienfaiteurs. D’une manière générale, les missionnaires étayent leurs affirmations à partir de preuves présumées émanant des observations et des descriptions ethnographiques faites par eux-mêmes ou par des savants plus expérimentés. Or, aujourd’hui, nous savons qu’il est difficile de démêler, dans les données ethnographiques, la part de l’imaginaire de l’enquêteur et les données réelles collectées. Et même si les informations ont été collectées dans les conditions les plus optimales, il reste la difficulté de déterminer ce qui est authentiquement de la tradition et ce qui a été produit par le contact avec les missionnaires.

Il est vrai que le missionnaire, pour ne pas donner l’impression qu’il impose sa « religion », devait trouver, par tous les moyens, dans la culture locale, des éléments de légitimation de son action. Affirmer que les populations indigènes connaissaient déjà un « Dieu » proche sinon semblable au « Dieu » chrétien, donnait une légitimité à l’évangélisation.

Si nous interrogeons aujourd’hui les Ding, dans leur grande majorité, sur la question de l’existence de Dieu ou d’un Être suprême dans la culture traditionnelle, ils nous répondront, sans hésitation, que cette notion serait un acquis de leur histoire millénaire, oubliant que cette histoire était elle-même soumise aux vicissitudes et aux aléas du temps. Il n’est donc pas exclu de penser que l’irréversible processus de mutation de la vie religieuse traditionnelle provoqué par le contact avec les énoncés chrétiens ait produit le concept de Dieu ou de l’Être Suprême tel que l’expriment nos contemporains.

Il est possible de démontrer cette évolution en cernant de plus près les épithètes qui servent à désigner cet Être Suprême.

Notes
1.

Ces rapports étaient, le plus souvent, des réponses à des questions préétablies par les supérieurs ou les quémandeurs de l’enquête. Le manuscrit du Père Janssens de 1912 ainsi que celui du Père Sterpin (1924) sur la Mission de Pangu entrent dans cette catégorie.