5. 1. L’ASSOCIATION DES JUMEAUX ET DE LEURS PARENTS (BANGAA MAYA)

La naissance des jumeaux est une circonstance exceptionnelle et solennisée. Elle affecte non seulement le social, mais aussi la politique et le religieux. Dès que les sages-femmes se rendent compte que leur patiente a accouché de jumeaux, elles en informent immédiatement tous les jumeaux de la contrée, leurs parents ainsi que Munken à qui, la députation envoyée par le village où s’est produit l’événement, apporte une perle (Lagie la mumpil'e) et un cauris (lapè). Les parents des jumeaux et les jumeaux constituent une confrérie puissante appelée « Bangaa Maya ». Les membres de la confrérie se réunissent autour des nouveau-nés

A la naissance des jumeaux, ils portent un morceau d'étoffe rouge au poignet (Kipwu ki mukeb) et deux plumes rouges sur la tête 2 .

Une case de réclusion est construite hors du village pour abriter pendant deux fois neuf jours les nouveaux jumeaux et leurs parents. Pendant ce temps, dans le village où l'événement s'est produit, toutes les activités champêtres sont suspendues. Les hommes se livrent, chaque jour, aux chasses collectives. Tous les gibiers, même nobles, sont acheminés à la case de réclusion. Le village suspend, pendant trois semaines, tout payement de tribut à Munken. Le dix-huitième jour, une cérémonie de purification (Isoo) est organisée. Munken, les nouveaux jumeaux et leurs parents subissent une ablution. Après ce rite, le village peut reprendre ses activités champêtres. Mais le père et la mère des jumeaux doivent quitter le village pour aller chercher chacun un partenaire sexuel (ce rite se nomme « ukya mbwa », c’est-à-dire prendre le chemin). Après avoir commis une sorte « d'adultère » symbolique, ils se présentent chez Munken pour recevoir la corbeille sacrée (nkwum). Ce panier contient une substance poussiéreuse, un coquillage (nzim), plusieurs cauris (lapè) et plusieurs autres objets. Ce charme procurerait la bonne chance (iya). Chez les Ding orientaux, plusieurs personnes recourent aux mères des jumeaux, gardiennes du nkwum, pour chercher le bonheur et le succès dans ce qu’elles entreprennent.

Dans la société, les jumeaux jouissent d'un grand prestige. Leur pouvoir social rivalise avec celui de Munken. Ils sont craints et respectés. Ils bénéficient des mêmes honneurs et des mêmes considérations que le prince et les membres du clan Ntshum. Ils portent aussi le titre de « Nkum (chef).

Les jumeaux ont des noms spéciaux : Mpia, pour l’aîné et Mbu pour le cadet. L'enfant suivant porte le nom de « Nkorkwil'e ».

Le pouvoir des jumeaux est avant tout d'ordre naturel et religieux, lié, comme le souligne Ndaywel, « dans le caractère peu commun de leur naissance : ils viennent à deux, ils sont deux en un » 2 . Les Ding les croient pourvus de certains pouvoirs mystérieux. Ils peuvent agir sur la germination des plantes et sur la fertilité du sol. La suspension des activités agraires, à la naissance comme à la mort des jumeaux, justifie cette croyance. L’association « Bangaa maya » gère donc ces pouvoirs des jumeaux.

Notes
2.

Ces plumes sont celles de l'oiseau « Nkol ».

2.

NDAYWEL, Organisation Sociale et Histoire…,op.cit., p. 238