5. 2. LA CONFRÉRIE DES PROCRÉATEURS (MBEEM)

La confrérie appelée« mbeem » (c’est-à-dire le varan) a pour membres, les procréateurs (baboer 1 ). Ceux-ci se réservent le monopole de la consommation du varan qui est l’emblème de leur association. Le nom « Baboer » est lié à la principale condition d’entrée dans ce groupe : il fallait avoir au moins engendré en alternance un garçon et une fille. A cette condition s’ajoutent deux autres : être introduit auprès du chef de l’association par les membres du clan de son épouse et être coopté par les autres membres de l’association. L’entrée dans cette société des procréateurs est considérée, pour les hommes, comme une véritable ascension sociale et le sommet d’une vie réussie. Comme pour les autres associations de ce type, les « géniteurs » subissent une initiation particulière aux mystères. Les cérémonies marquant la fin de l'initiation se déroulent en présence de Munken. Celui-ci y prend une part active.

Les affiliés sont soumis à une stricte discipline. Par exemple, ils sont obligés de manger en réclusion à l’abri de tout regard indiscret. Ils ne peuvent pas partager la chair du varan et de certains jeunes animaux tués à la chasse avec les non-initiés. Ils exercent un véritable contrôle sur la manducation de ces animaux et punissent impitoyablement tous ceux qui ne reconnaissent pas leur droit. La confrérie exalte certaines vertus comme le courage, la bonté et la sociabilité. Les membres possèdent, selon l'opinion générale, la faculté de guérir les maladies respiratoires : l’asthme, la tuberculose, la toux, etc. Mais la confrérie a de grandes accointances avec le système politique : les dignitaires des cours de Munken et de Nkumukoor (Minkormbong et Mibwo) se recrutent dans ses rangs.

Quelle serait l'origine de cette importante association ? Il est difficile, en l'état actuel de nos connaissances, de déterminer l'origine de cette institution qui doit avoir, dans le passé, joué un rôle déterminant dans l'organisation politique et sociale des Ding orientaux.

En étudiant son extension géographique, nous remarquons que cette confrérie s’est développée dans le même environnement que les principautés dont nous avons dit qu’elles auraient été d’origine des Mongo méridionaux. Dans le complexe Lele-Kuba, il existe une association similaire qui ne joue, semble-t-il, aucun rôle dans le processus politique. Les Wongo lui donnent les noms de « bubwets » (procréation) ou « Ntem » (courage) et ses membres sont appelés « Babwets » (procréateurs). Son emblème est le pangolin et non le varan comme chez les Ding orientaux 1 . Torday signale l'existence d'une association semblable chez les Lele. Il estime que c'est l'égoïsme qui serait à son origine 2 .

Pour De Decker, il existe chez les Mbuun un « Nzung a mbeem » qui est une marmite en terre. Les hommes qui n'ont pas encore engendré ne peuvent manger la viande cuite dans ce récipient 3 . Le varan (mbem) semble avoir occupé une place de choix dans les institutions politiques anciennes des Mbuun. Nous le retrouvons gravé sur les anciens anneaux de cuivre conservés dans les cases nobiliaires 4 . Le R.P. Van Naemen signale un fétiche appelé Mbem chez les Yans 5 .

Notes
1.

Le mot « Baboer » signifie « géniteurs », « procréateurs » ou « ceux qui ont déjà engendré ». Son singulier est « muboer ». Le substantif dérive du verbe « uboer » qui signifie « mettre au monde », « engendrer », « procréer »

1.

NKAY, Histoire des Ding..., op.cit., p. 80.

2.

TORDAY, F., On the trail of the Bushong, London, 1925, p. 164 - 165.

3.

DE DECKER, Les clans Ambuun,… op.cit., p. 76.

4.

WEECKX, G., « La peuplade des Ambundu » in Congo, 1937, II, 1, p. 37.

5.

VAN NAEMEN, « Migration des Bayanzi », in Congo, 1934, I, 2, p. 190.