6. 2. 1. Les charmes collectifs

Nous rangeons dans cette catégorie, tous les charmes qui sont censés protéger le village contre les sorciers, lui donner la victoire à la guerre, lui procurer des chasses, des pêches et des récoltes abondantes, le défendre contre les tornades et la foudre et enfin le préserver contre les morsures de serpent et les attaques des animaux sauvages.

Le charme protecteur du village, les Ding orientaux l’appellent « Nkin ». Il est souvent construit sur chaque place du village. Son efficacité est jugée en fonction des prises opérées lors de la chasse (chez les terriens) ou de la pêche (chez les riverains).

La chasse (ou la pêche) indique si les esprits sont contents ou non. Elle détermine surtout si la sorcellerie est présente au village ; la présence de la sorcellerie diminue le nombre des bêtes capturées ainsi que la fertilité des champs ; elle fait baisser la natalité et elle apporte la maladie. Les mauvaises chasses indiquent la présence du Mal, qui est le contraire de la paix ou de la bonne vie. La bonne vie idéale, écrit Vansina « supposait que tout allait bien : les naissances étaient nombreuses, les champs et la chasse productifs, les gens en bonne santé et échappant à la mort. En fait, un paradis sur terre. Un culte, même de chasse, qui promettait d’éliminer tous les sorciers était donc un mouvement millénaire, puisqu’un paradis était promis » 1 .

Le « Mpungu » (Mpung) dont parlent les Jésuites Struyf et De Decker, est un charme collectif de chasse. Il est invoqué pour l’obtention des chasses fructueuses 2 .

Les charmes contre les tornades, la foudre, les morsures de serpent et les attaques des animaux sauvages sont de même nature que le « Nkin », car toutes ses calamités sont envoyées par des sorciers. Quant au charme de guerre, il promet l’invincibilité contre l’ennemi et il protège le village contre toute attaque extérieure 3 . Les charmes collectifs sont quantitativement limités par rapport à l’éventail des charmes individuels.

Notes
1.

VANSINA, « Les mouvements religieux… », op. cit., p. 157.

2.

STRUYF, « Mœurs et coutumes », op. cit. p. 235 ; DE DECKER, Les clans Ambun, p. 70.

3.

Pendant la rébellion muleliste (1964-1967), on rapportait, par exemple, qu’un village comme Kibwadu I, qui n’avait subi aucune attaque ni des rebelles ni des soldats gouvernementaux, était protégé par un puissant charme. Ce village pouvait parfois disparaître quand l’un des protagonistes décidés à lui faire la guerre s’en approchait. On raconte une histoire similaire à propos du village Oveke, chez les Ngwi du secteur Bulwem.