6. 3. MÉDECINE TRADITIONNELLE

La maladie est considérée comme affectant l’homme tout entier, corps et esprit. Les étapes du soin prennent en compte cette double dimension. La sorcellerie comme la malédiction ou la possession font partie du registre des concepts qui définissent la maladie. Vansina indique qu’au 19e siècle, « soigner était un processus de restauration poursuivi par le patient, le spécialiste, et le groupe de soutien à l’intérieur de la Maison du patient. La plupart des interventions de guérison étaient des performances publiques, souvent accompagnées de musique et parfois spectaculaires. Les remèdes étaient administrés de différentes façons quoiqu’une partie essentielle de la plupart des interventions étaient encore des charmes. Les interventions étaient accompagnées d’interdits : pour le patient, souvent pour le guérisseur, et parfois pour le groupe de soutien » 1 . Chez les Ding orientaux, les maladies sont définies par les spécialistes que sont les devins. Le plus souvent, ils jouent aussi le rôle de guérisseur. Une procédure bien rôdée conduit le patient de la consultation à la guérison (ou à la mort) en passant par les soins. Pour illustrer notre propos : une personne tombe gravement malade ( nous sommes ici en régime matrilinéaire) ; son oncle maternel est informé. Les familles paternelle et maternelle se réunissent. Une députation est envoyée consulter le meilleur devin de la région. Celui-ci formule un diagnostic déterminant le mal dont souffre le patient ; il désigne l’origine de cette anormalité. Le genre de maladie et sa cause connus, le patient est conduit chez le guérisseur après avoir été, auparavant, désenvoûté (upa mpiam =donner le kaolin) par le présumé sorcier. Le guérisseur soigne le corps par la maîtrise des plantes et des minéraux 2 . Il guérit l'esprit par des techniques magiques ou par des moyens psychothérapeutiques. Le sorcier ou le responsable de la maladie paye la facture du guérisseur, souvent un poulet, une chèvre (bouc) ou de l’argent.

Tous les cas de maladie ne nécessitent pas la consultation d’un devin. Certaines maladies réputées naturelles et les petits bobos quotidiens sont soignés localement par des guérisseurs aguerris. Quant aux enfants, ils sont soignés, le plus souvent, par leurs mères.

Toutes ces croyances et ces pratiques décrites dans ce chapitre ont été considérées, par les missionnaires, comme de vulgaires superstitions. Très peu parmi eux, ont pris la peine de les étudier pour comprendre la logique de leur fonctionnement. Ils ont cru qu'à force de les dénoncer dans leurs prédications et d'excommunier les convertis qui les pratiquaient encore, ils allaient les éradiquer. La réalité s'est montrée rebelle : ces croyances et ces pratiques n'ont pas disparu, au contraire, elles se sont adaptées à la modernité coloniale et missionnaire.

Notes
1.

VANSINA, Sur les sentiers…, op.cit., p. 125.

2.

Sous notre direction deux étudiants de l’Institut Supérieur de Développement Rural de Mbeo (ISDR) ont ébauché, dans le cadre de leurs travaux de fin d'étude (TFE), une taxonomie des noms des maladies traitées par les guérisseurs ding et certaines recettes médicamenteuses qu’ils emploient : NZIMALUNGU et LAKELE ; MPIMAKO présente aussi une liste de quelques maladies et les recettes pour les soigner (MPIMAKO, Institutions culturelles…, op. cit., p. 27-29.)