1. 1. 2. L’eau bénite

Contrairement à l’eau de baptême (masa ya mbotika) qui, au début, faisait peur pour des raisons que nous avons suffisamment évoquées, l’eau bénite (masa ya lusampulu) a rencontré et rencontre encore aujourd’hui un grand succès non seulement chez les baptisés mais aussi chez les païens qui redoutent son efficacité. L’eau bénite se substitue d’abord au charme de protection (lakin). Elle défend, selon les chrétiens, celui qui la détient contre les rêves maléfiques, les menaces de sorciers et contre toutes les personnes qui ont de mauvaises intentions. Dans ce cas, le flacon d’eau bénite est placé au chevet du lit ou à l’entrée de la maison. Son efficacité serait aussi attestée contre toutes sortes de possession démoniaque. Lorsqu'elle est utilisée pour l’exorcisme, les convertis affirment qu’elle consume le mauvais esprit, obligé de s’enfuir. Parfois, elle est utilisée simplement comme un remède. Les usagers en boivent une petite goutte pour se soulager d’une fièvre, d’une migraine, d’une diarrhée, etc. ; ils la frottent aux jambes pour guérir d’un rhumatisme ou à la poitrine pour se départir d’une toux persistante. Elle a aussi la puissance de maîtriser les forces et les charmes adverses. Les sportifs l’utilisent pour neutraliser leurs concurrents, les travailleurs pour dompter leur chef impitoyable. L’eau bénite était et reste encore aujourd’hui d’un usage universel. Les missionnaires ont favorisé cet usage en donnant systématiquement de l’eau bénite à ceux qui venaient les consulter pour se plaindre d’une vision cauchemardesque, d’une persécution nocturne par des sorciers, etc. Dans l’histoire de la tragédie de Léon Mbele, le Père Struyf rapporte que malgré l’eau bénite donnée à ce catéchiste, sa femme et son enfant continuaient à subir les attaques de la vieille sorcière 1 .

Les témoins affirment que certains sorciers et guérisseurs ne se passent pas de l’eau bénite pour confectionner leurs charmes et fabriquer certains remèdes.

Autour de l’eau bénite est né un culte « anti-sorcier » connu sous le nom de « Lutaninu » (la protection). D’après le témoignage de Kwampuku 2 , ce mouvement s’appuyait sur deux piliers : la possession d’un livre de prière de couleur rouge et l’usage de l’eau bénite pour commencer et finir la prière. Le livre rouge et l’eau bénite étaient censés procurer la « bonne chance ». Certains jeunes à la recherche du succès scolaire y ont adhéré.

Notes
1.

STRUYF, « Le Ndoki »…, op.cit., p. 400

2.

KWAMPUKU, interview réalisée à Idiofa, le 17 septembre 2003 (enregistré CD)