1. 3. 2. La mort

En ce qui concerne la mort, les sources missionnaires dénoncent fréquemment le fait que les convertis tout comme les païens ne croyaient pas que la mort soit naturelle. Ils recherchaient une cause à chaque décès et chaque fois quelqu'un était accusé de sorcellerie. Elles fustigent aussi le rituel qui accompagne la mort : ces pleurs incontrôlées des femmes, ces interminables jours consacrés au deuil, ces mortifications imposées aux proches, ces sacrifices humains accompagnant la mort d'un chef, etc 1 . Les Pères et les Sœurs voulaient faire cesser toutes ces « barbaries ». Si, grâce à l'intervention de l'État, les Jésuites ont réussi à mettre un terme aux sacrifices des esclaves, les autres pratiques sont restées intactes ou se sont adaptées à la modernité occidentale. Les accusations de sorcellerie pour expliquer la mort sont restées permanentes jusqu'à ce jour.

Certains missionnaires blancs et des prêtres africains ont même été accusés d'avoir « mangé » tel de leurs travailleurs ou tel membre de leur famille 2 . La mort restait malgré tout un mystère que même le christianisme n'arrivait pas à expliquer. Elle continuait à faire peur au converti malgré les assurances à la résurrection des morts enseignée par les missionnaires.

Les funérailles d’un chrétien, mort dans son village, ne différaient guère beaucoup de celles d’un païen. Souvent, si ce dernier était un simple roturier, ses congénères chrétiens procédaient à sa toilette, ils l’habillaient en blanc, lui mettaient son chapelet au cou et allumaient parfois une bougie placée au chevet du lit mortuaire. La veillée se déroulait entre les lamentations des femmes, les rites traditionnels et la récitation du rosaire. Au cimetière, après la mise en terre et les paroles d’adieu, le maître des cérémonies traditionnelles égorgeait une chèvre (ou un bouc) dont le sang était donné aux morts et la chair aux vivants.

Mais, si le défunt était, par exemple, de la lignée princière, les funérailles s'organisaient suivant le rituel traditionnel destiné aux chefs.

Depuis l'arrivée des missionnaires, les croix en bois et parfois en ciment étaient plantées au dessus de chaque tombe. Ce privilège qui, au début, était un signe distinctif dédié aux seuls chrétiens, allait , au fil des temps, s’étendre à tous les morts, même païens.

Nous n'avons pas entendu parler, du moins chez les Ding orientaux, de cimetières qui auraient été spécifiques aux chrétiens.

Le missionnaire (prêtre) n'était presque jamais sollicité pour présider aux funérailles ; les gens l'acceptaient volontiers s'il était présent. À certains endroits, lorsque la famille du défunt le désirait, le catéchiste pouvait conduire la prière pendant la veillée funèbre et au cimetière. Les messes pour les défunts étaient très rarement demandées. Par contre le Prêtre était souvent sollicité pour bénir les tombes et les maisons où avaient vécu les défunts. On redoutait le retour des morts qui viendraient tourmenter les vivants pour telle ou telle raison.

Si par le passé, la couleur blanche était celle de la mort et du deuil, les missionnaires ont introduit l'habit noir (mpidi) comme signe de la mort et du deuil. Aussi, dans le langage courant, « porter le deuil » se dit « porter l'habit noir » (kulwata mpidi). Le levé de deuil se déroulait un peu partout suivant la tradition ancestrale. C'était toujours une solennité pour le chrétien comme pour le païen : victuailles et libations étaient offertes pour honorer le mort et nourrir les vivants.

Notes
1.

Cf. STRUYF, « Mœurs et coutumes »..., op .cit., p.

2.

Nous avons déjà rapporté l'histoire de ce Jésuite noir accusé de « manger » ses petits neveux. Dans les années 1940, dans le vicariat d'Ipamu, on attribua la mort du diacre Jean Mungele aux fétiches de Mgr Bossart qui l'aurait tué pour envoyer son esprit travailler à la fabrication des machines en Europe. Lire cette histoire dans NKAY, Histoire du Petit Séminaire de Laba..., op. cit., p. 12-13, ou dans LUNEAU, R., Comprendre l'Afrique. Évangile, modernité, mangeurs d'âmes, Karthala, Paris, 2002, p. 18.