3. 2. LUPAMBULA

En réalité, la répression qui s’était abattue sur les adeptes du lukoshi, n’avait pas mis fin au culte. Elle avait simplement réduit le mouvement à la clandestinité. Chez les Ding orientaux, il était encore pratiqué secrètement dans les villages subissant localement des adaptions pour échapper au regard inquisiteur de l’autorité coloniale. Au même moment, il poursuivait ses pérégrinations dans les districts du Kasaï et du Kwango, subissant partout des cures de jouvence.

En 1934, la version Mbuun du lukoshi, y compris la pratique de garder les serpents vivants, atteignait le territoire de Luebo. Dans ce nouveau terrain, le Lukoshi allait intégrer les nouveaux éléments provenant de l’ouest (pays Lele), de l’est et du nord-est. Suivant Moritz, la structure comprenait un chef par village, le Bambi minengu (« chef de la partie gauche du village, détenteur du charme »). Il avait deux lieutenants Ngwata minengu ( « les Ngwata du charme ») ainsi que le Tambwe à bwanga (« Taam du charme » : le mot bwanga = charme en ciluba) et les Yolo banjoko (« guerriers des éléphants) 1 . Dans chaque village, les adeptes construisaient un hangar dans laquelle avait lieu la consécration du Bambi en grand apparat, avec un couteau et une plume de perroquet. On retrouvait ici les statuettes (mazaka ndumba), les bâtons (eseko appelés en ciluba mapingu) et le rituel d’installation classique avec les interdit habituels au culte et à la région. Chaque village s'était doté d'une liane de musosodi ou dile dia pumbwa, garantissant l’immunité contre la foudre ( = sorciers) ou les Européens. Ceci rappelait la liane des Ding orientaux qui, chez eux remplaçait symboliquement le serpent. Avant la diffusion vers Luebo, les Lele avaient adopté la liane, puis les vrais serpents. En 1934, en tout cas, on gardait les deux à Luebo.

Dans cette dernière contrée le culte était appelé soit lukoshi soit kabambula, « qui chasse les sorciers », en ciluba. Ce nom deviendra Tshipambula ou Lupambula 2 .

Lorsque, du territoire de Luebo, cette version de lukoshi sera réintroduite dans le territoire d’Idiofa, elle sera considérée comme un nouveau culte. Cette réintroduction se serait opérée en 1947-1948. En l’état actuel de nos recherches, nous n’avons que très peu d’informations sur le Lupambula chez les Ding orientaux. Une note du rapport politique du territoire d’Idiofa indique qu’il existait à « Pangu, Dibaya-Lubwe, Mangaï et Eolo quelques partisans de Lupambula » 1 . L'essaimage de ce culte dans ces cités était-il le fait de Pende et de Luba qui y étaient nombreux ou opérait-il en clandestinité même chez les populations rurales ? Pour l’instant les sources ne nous fournissent pas encore de réponse. Ce qui est certain c'est que le mouvement, parti de Tshikapa, s’est propagé dans tout le Kwilu méridional et le Kwango. Il est signalé en 1944 à Kahemba et chez les Suku 2 de Feshi.

Notes
1.

VANSINA, « Lukoshi/Lupambula... », op.cit., p. 69.

2.

Idem, p. 75

1.

Rapport politique du territoire d'Idiofa 1948-1949, AMBAE-AAF, AIMO/II.Q. 7. b

2.

Une description détaillée du Lupambula chez les Suku a été faite par VAN DER GINSTE, F., « Le Lubambula » in Bulletin des juridictions indigènes et du droit coutumier congolais (1947), XV, p. 9-16.