Si les nombreuses sources écrites consultées nous ont fourni un assez grand nombre d'éléments pouvant nous renseigner, à partir d'un point de vue missionnaire, sur la réaction des autochtones, la parole de ces natifs eux-mêmes, n'a pas suffisamment été prise en compte. La difficulté majeure vient du fait de la disparition de la génération des premiers témoins de l'évangélisation du pays des Ding Orientaux. Nous sommes obligés de travailler sur ce que certains témoins vivants ont entendu de leur parents ou grands parents. Notre collecte d'informations s'est effectuée en trois moments différents :
1° En 1977 et 1978, afin de préparer notre mémoire de licence ( maîtrise) en histoire à l'Université de Lubumbashi, nous avions procédé à des enquêtes sur les traditions orales et les données anthropologiques chez les Ding orientaux 1 . Ces recherches nous ont mis sur la piste d'un certain nombre de chrétiens baptisés à Pangu et à Ipamu au temps des Jésuites et elles nous ont permis de consigner un nombre non négligeable de témoignages 2 .
2° Pendant plus de 15 ans, nous avons oeuvré, comme prêtre, principalement dans l'enseignement, dans le diocèse d'Idiofa. Cette expérience de terrain nous a aidé à accumuler une somme des notes et d'interviews au gré de nos contacts avec les villageois, les élèves et les étudiants de diverses ethnies du diocèse 3 .
3°C'est riche de nos expériences passées que, fin août 2003, nous nous sommes rendu au Congo avec un objectif bien précis : interroger les témoins qui ont connu ou entendu parler de missionnaires scheutistes et jésuites. De ces témoins, nous voulions savoir ce qu'ils ont retenu ou ce qu'ils ont appris de cette époque. Notre technique consistait, en fait, à leur « faire écrire » l'histoire de la période missionnaire. Par cette méthode, nous voulions vérifier si l'histoire « vécue » et « racontée » par les autochtones est la même que celle que nous révèlent les documents écrits et les témoignages des missionnaires. Les événements qui se sont produits à cette époque sont-ils regardés de la même manière d'un côté comme de l'autre ? Comment les indigènes percevaient-ils les missionnaires et leurs actions ?
Pour mener à bien notre recherche, nous avions, au départ de Lyon, élaboré un protocole d'enquête comprenant quelques questions. Cet élément nous a plutôt servi de guide, nos interviews ayant été libres et souvent organisées sous forme de palabre où chaque intervenant pouvait prendre la parole pour confirmer ou infirmer une déclaration ou un point de vue. Nous animions le débat en suivant la dynamique du groupe et en suggérant, au fur et à mesure, les thèmes que nous voulions aborder. Là où nous n'avions pas pu travailler en groupe, nous avons interrogé individuellement certaines personnes en employant la technique de l'interview libre.
Nous nous sommes abstenu de prendre ostensiblement des notes de peur d'impressionner nos interlocuteurs. Nos conversations étaient, cependant, discrètement enregistrées par un jeune séminariste (aujourd'hui prêtre) 1 à qui nous avions ordonné de bien dissimuler un petit dictaphone.
Une fois en France, les enregistrements ont été, grâce à notre ami Henri Mechin de la Radio RCF Saône et Loire à Mâcon, gravés sur deux CD. Ce sont donc ces enregistrements que nous avons exploités pour rédiger ce chapitre.
Quels ont été les témoins interrogés ? Lors de notre séjour en 2003, nous n'avons rencontré aucun survivant de la génération de ceux qui ont été baptisés à Pangu. Heureusement que bien avant nous avions interviewé personnellement trois de ces témoins,notamment André Yonge (1978) à Dibaya-Lubwe, Mukulundeke (1986) à Nsim Bawongo et André Kapinga (1995-1999) à Nsong Bangoli et à Mbeo.
Tous les autres témoins que nous avons interrogés ont été baptisés soit par les Jésuites soit par les Oblats de Marie Immaculée, mais avant 1945. Toutes ces personnes disent avoir connu les chrétiens de Pangu et avoir, parfois, partagé avec eux leur expérience de foi. Ils prétendent aussi savoir des choses sur les Jésuites parce qu'ils les ont vu à l'œuvre. Parmi les individus interrogés, nous avons essayé, comme l'indiquent les listes en annexe, de toucher toutes les couches de la société. Pour compléter nos informations, nous avons interrogé quelques prêtres parmi les plus âgés du clergé diocésain.
Notre récit consistera à restituer prudemment ce que les témoins nous ont raconté en le confrontant, de temps en temps avec les sources écrites.
NKAY, Histoire des Ding..., op. cit.
NKAY, Histoire des Ding..., op. cit., p. 24-54.
Ordonné prêtre en 1984, nous avons travaillé dans le diocèse d'Idiofa jusqu'en 2000, avant de venir en France.
Il s'agit de l'abbé Armand Mungaba que nous tenons à remercier ici.