3. L'AUTRE À LA PEAU BLANCHE : UNE IMAGE DE L'EUROPÉEN
ET/OU DU MISSIONNAIRE

Nous avions écrit dans l'une de nos publications précédentes 1 que, pour la plupart de peuples de notre pays, le christianisme est considéré comme l'une de ces multiples « choses » 2 que les « Blancs ont apportées » au même titre que les écoles, les hôpitaux, l'administration publique, l'armée, les compagnies commerciales, etc. Le terme « religion » n'existe pas dans les langues locales. Pour traduire, par exemple, la périphrase « depuis que la religion chrétienne s'est installée chez nous », les Ding orientaux disent : « depuis que les Blancs nous ont apporté Dieu ». Nous serions même tenté de traduire : « Depuis que les Blancs nous ont apporté leur Dieu » 3 .

Pour les gens du commun le christianisme (ou la religion) n'est qu'une modalité, un aspect de « l'occidentalisation ». Il est « la religion des Blancs ». Pour les Ding orientaux et les autres populations du Congo, christianisme et homme blanc sont indissociables. Le missionnaire n'est-il pas le « Blanc de Dieu » ? Il existe donc pour les gens, une corrélation entre les « Blancs » et leur « religion », le christianisme.

Poursuivant nos enquêtes sur le terrain, nous nous sommes aperçu que beaucoup de nos interlocuteurs définissent les missionnaires par rapport au fait que ceux-ci sont « Blancs ». Souvent, pour dire « missionnaire », les natifs emploient simplement le terme qui traduit « Blanc ou européen ». Aussi, avons-nous pensé que l'image que les Ding orientaux se sont construits du missionnaire, ne doit pas être éloignée de celle qu'ils ont eu plus généralement du Blanc. C'est à travers un même prisme que le Blanc et/ou le missionnaire sont vus.

Nous essaierons de saisir cette « image du Blanc » telle que l'auraient construite les Ding orientaux en abordant trois thèmes : les noms donnés aux Blancs , le pays d'origine des Blancs et les accusations d'anthropophagie contre les Blancs.

Notes
1.

NKAY, « Église catholique, peuple... », op. cit., p. 305

2.

La langue mbuun exprime bien cette réalité par l'expression « enker a mbweel » (les choses des Blancs).

3.

Ce même constat a été fait par par René Bureau chez les Douala du Cameroun. Cf. BUREAU, R., Le peuple du fleuve..., op.cit., p. 20.