3. 2. D'OÙ VIENNENT-ILS, CES BLANCS ?

Les autochtones posent la question de la provenance des « Blancs » en des termes bien simples : « où se trouve le village des Blancs? » À cette question les Ding orientaux répondent unanimement que les Blancs viennent de « Mputu ». Mais comment, dans leur tête, se représentent-ils ce « Mputu » ? Est-ce un espace tribal ? Un grand village? Se situe-t-il au ciel ou sous terre? Les gens n'ont, en réalité, aucune idée claire d'un pays qui soit différent du leur.

Avant d'aborder quelques réponses que les Ding ont apportées à leur questionnement, voyons d'abord quelle est l'origine du mot « Mputu » ?. Ce terme est, lui aussi, lié à l'histoire de l'ancien royaume du Kongo. Pour illustrer sa découverte, Diogo Cão a embarqué quelques otages kongolais qu’il a emmenés jusqu’à Lisbonne. Il s’agit de quelque nobles de Soyo. A leur retour au Kongo, en 1485, au cours d’une nouvelle expédition de Diogo Cão, ils ne purent s’empêcher de décrire les « merveilles » qu’ils ont vues en Europe. Le roi, ému, souhaite voir ces mêmes merveilles se réaliser dans son royaume. Il réclame menuisiers et maçons pour construire des bâtisses. Il demande également de communier à ce rituel qui donne une telle puissance aux Blancs 2 . C’est ainsi qu’il dut comprendre le sens profond du baptême. Ce merveilleux pays lointain, les Kongolais l’appellent « Putu » ou « Mputu », manifestement une déformation de « Portugal ». Ce terme est passé dans presque toutes les langues du Congo et il désignent encore aujourd’hui tous les pays des Blancs, sans distinction 1 .

Quant à la configuration de ce « Mputu », l'idée qui prévaut, depuis les premiers contacts et tout au long de la période missionnaire et coloniale, est que la peau d'un homme vire au blanc crayeux lorsqu'il entre dans le royaume des morts 2 . Ce royaume des morts, suivant la cosmogonie des peuples de la côte, se situe au fond de l’océan. L'expérience quotidienne vient confirmer cette supputation : lorsqu'un bateau approche de la côte, les spectateurs n'aperçoivent d'abord du rivage que le haut des mâts, ensuite, ils voient la superstructure et la coque. L'impression que donne cette apparition est que le bateau vient du fond et émerge progressivement. La conclusion pour ces gens dont la connaissance géographique se limite à leur village et aux villages environnants, est, à l'évidence que les passagers ramenés par le bateau ont leurs demeures sous la mer 3 .

Les populations des rivages du Kasaï, notamment les Nzadi, racontent que le pays des Blancs, Mputu, se situe quelque part dans les profondeurs du fleuve. Ce pays est celui où la sirène, «  Mamy wata » ou « elima » est la maîtresse. C'est une espèce « de grand chantier » où les Blancs font produire par des Noirs morts noyés, tous les nouveaux objets qu'ils ne cessent d'apporter à leur retour de congé 4 .

Les terriens soutiennent que ce pays, c'est le village des morts qui relève du monde de nuit que nous ne pouvons pas percevoir avec notre regard ordinaire. Ce lieu serait probablement dans les cimetières. En tout cas, « Mputu » ou le pays ( village) des hommes blancs, est toujours associé à l'idée du monde des morts. C'est ainsi que constamment le missionnaire Blanc est soupçonné d'entretenir des relations avec les morts.

Notes
2.

NDAYWEL, Histoire générale..., op.cit., p. 86.

1.

Pour le commun des mortels l'Amérique, l'Asie, L'Océanie et pour certains même l'Afrique du sud font partie de « Mputu ». Nous connaissons une famille qui a son fils en Chine. Quand on leur pose la question de savoir où se trouve leur fils, ils répondent sans hésitation: « na Mputu » (à Mputu, en Europe).

2.

HOCHSCHILD, Les fantômes..., op.cit., p. 26.

3.

HOCHSCHILD, Les fantômes..., op.cit., p. 26.

4.

Informations de Mungangwey Wihlem, Mpie Julienne et Mpete Kalombo Apollinaire, à Pangu, le 7 septembre 2003 ; Muyur Alexandre nous a relaté une version semblable des faits, Ipamu, le 4 septembre 2003.