3. Une société multiculturelle ?

Qui sont aujourd'hui les habitants du territoire du canton du Châtelard ?

Nous avons vu que le recensement de 1990 enregistre une hausse de la population pour la première fois depuis près de 150 ans. Ce revirement est bien évidemment dû à une arrivée massive de migrants. La population d'origine locale compte en effet de nombreuses personnes âgées, et le nombre de décès continue alors de supplanter largement celui des naissances. Le solde naturel pour la période 1982-1990 est ainsi de –193. Mais il est largement compensé par un solde migratoire de 391 pour une population totale de 3452 personnes. Lors du recensement de 1999, sur un total de 3830 habitants, 1742 habitants ne sont pas nés en Savoie, soit plus d'un tiers de la population. Cela donne une idée du poids démographique des migrants, qui est d'autant plus élevé que ce chiffre ne comprend pas ceux qui sont originaires des villes de Savoie. Et les jeunes néo-ruraux originaires de Chambéry ou d'Aix-les-Bains sont nombreux dans le massif. Par ailleurs, ce sont des populations jeunes qui ont en moyenne plus d'enfants que la population « de souche », et le fait que le solde naturel soit redevenu positif entre 1990 et 1999 (+ 20) leur doit sans doute beaucoup. 116

On peut imaginer le bouleversement que cette arrivée massive de migrants a pu représenter sur un territoire qui n'avait jusqu'alors connu qu'une immigration anecdotique. Aujourd'hui, le canton rassemble des populations ayant des origines et des façons de vivre très différentes.

Je vais d'abord m'attacher à montrer la diversité des trajectoires de vie des habitants qui se côtoient dans le canton. Tout en essayant d'éviter d'enfermer les uns et les autres dans des catégories, je souhaite mettre en évidence la diversité des origines et des parcours, qui conduit chacun d'eux a entretenir un rapport particulier au territoire, avec des lieux et des temps qui lui sont propres.

Nous nous intéresserons ensuite à la place dans l'espace public et dans les processus de décision des différents groupes. A chacun d'eux correspondent en effet certains lieux d'expression et une légitimité plus ou moins grande, qui peut évoluer dans le temps.

Enfin, nous verrons que le territoire constitue une sorte d'arène, où se joue un jeu, dont, à la différence de ce qui se passe dans les espaces urbains, on peut difficilement se retirer. Bien qu'ils semblent parfois séparés par de véritables fossés culturels qu'ils entretiennent et sur lesquels ils jouent, les différents groupes communiquent, se fréquentent, négocient, et construisent du commun.

Notes
116.

Source : recensement de la population de 1999, INSEE, http://www.recensement.insee.fr