Légitimités politiques et lieux d'expression

Le désir d'investissement dans la sphère publique présent à des degrés divers chez la plus grande partie des habitants est lié au choix de vivre en Bauges : ce n'est pas seulement un lieu qui est choisi, mais aussi un mode de vie. Il s'agit d'être connu et reconnu dans un lieu, d'y être une figure, un personnage.

Cet investissement s'effectue de façon différente selon le groupe dont la personne est issue.

Les conseils municipaux :

Aujourd'hui encore, la plupart des conseils municipaux sont contrôlés par les Baujus de souche et il demeure relativement difficile pour les néo-ruraux de s'y investir, même si l'ouverture se fait peu à peu. A l'issue des élections municipales de 2001, quatre maires sur quatorze seulement n'étaient pas membres de familles locales. Le poids électoral de ceux qui sont nés sur place demeure très important et ceux-ci rechignent à élire quelqu'un dont la généalogie ne s'ancre pas dans le pays. Lors des campagnes électorales pour les cantonales, tous les candidats qui le peuvent revendiquent d'ailleurs leurs origines locales. C'est ainsi que lors des élections cantonales de 2004, on pouvait lire sur le tract d'une candidate « issue de la commune de Bellecombe de par sa filiation à la famille C , habitant près de sa maison natale, chez Mme P., au Pont du Diable».

De plus, il ne s'agit pas seulement d'être originaire des Bauges, encore faut-il faire partie d'une des familles traditionnellement liées à ce type de fonctions. Il est d’ailleurs assez étonnant de constater que l’on trouve dans des documents du XVIIème ou du XVIIIème siècles des signatures de syndics qui portent les noms de maires actuels. Cela révèle à quel point certaines familles sont, traditionnellement, liées à l’exercice du pouvoir et bénéficient ainsi d’une forme de reconnaissance a priori pour gérer les affaires du village 120 . Ce sont par exemple les familles Tardy et Boyer à Aillon, la famille Dusserre à Lescheraines, ou la famille Fabre à Bellecombe. Ces familles étaient connotées politiquement - « blanches » ou « rouges » - mais n’étaient pas engagées dans les partis nationaux, et s’inscrivaient fortement dans la culture locale. Elles ont souvent dû s’effacer peu à peu lorsqu’il ne s’est plus agi de gérer la continuité d’une vie de village mais qu’il est devenu évident que le monde rural était en train de se transformer et qu’il fallait, devant l’aggravation de l’exode vers les villes, trouver un moyen de s’adapter à la modernité. Les enjeux avaient changé, et le maire d’une commune devait être capable de se confronter aux institutions extérieures - Conseil général, préfecture -, en particulier lorsque la commune souhaitait se lancer dans un projet important. C’est ainsi qu’un Boyer démissionne en 1965 de son poste de maire d’Aillon quelques semaines avant l’issue de son mandat, car il ne souhaite pas s’occuper du développement de la station. C’est un Tardy, plus entreprenant, qui lui succède, et qui conservera la mairie pendant 24 ans, durant lesquels seront lancés la station du village et le stade de neige de Margériaz. Aujourd'hui, malgré un léger recul, ce système demeure bien présent.

Son importance est d'ailleurs encore une fois apparu clairement lors des dernières élections cantonales, en 2004. Le conseiller général sortant, élu de droite, avait décidé de ne pas se représenter. Celui qu'il avait choisi pour lui succéder et dont il soutenait la candidature n'était pas un Bauju ni de souche ni d'adoption, mais un membre de son parti, venu de Chambéry. Alors que lors du scrutin précédent, avec le soutien des Baujus « de souche », plutôt conservateurs, il avait facilement battu le candidat de gauche qui était un membre de la famille Fabre, de Bellecombe, les électeurs du canton ont cette fois préféré voter à gauche plutôt que de confier le poste de conseiller général à quelqu'un qui n'avait pas de légitimité locale. C'est donc un Dusserre, issu d'une grande dynastie de gauche de Lescheraines, qui est devenu conseiller général en mars 2004 121 . Certes, ce résultat est sans doute aussi le reflet d'une tendance nationale, puisque les régionales et les cantonales de 2004 se sont soldées par une sévère défaite de la droite, mais il témoigne aussi d'une conception particulière des enjeux politiques dans ce canton traditionnellement plutôt conservateur.

Dans beaucoup de villages, une seule liste se présente aux élections municipales. Elle est dirigée par un membre d'une famille locale entouré d'une équipe qui comprend quelques néo-ruraux. Une invitation est parfois lancée aux bonnes volontés pour rejoindre le conseil municipal, mais il s'agit dans ce cas de rejoindre la liste existante, et donc d'accepter les options de ceux qui la dirigent. L'apparition d'une deuxième liste est évidemment vécue comme une provocation (ce fut le cas au Châtelard en 2001). Aussi, les conseils municipaux sont-ils plutôt le lieu d'expression des Baujus de souche qui s'y retrouvent culturellement. Ainsi un fils d'agriculteur qui a repris l'exploitation ou un artisan du village y trouvera sa place sans problème.

Étant donné le poids démographique grandissant des néo-ruraux, le changement va sans doute intervenir sous peu, mais il ne se fera pas sans douleur pour les populations originaires des Bauges, comme l'admet une partie-revenue :

‘ « Ça va changer tout aussi dans la politique locale, et on sent bien les réticences qu’il y a, parce que c’est vrai que quand on est Bauju de souche comme moi et que c’est un maire qui vient d’ailleurs qui est élu, ça fait drôle quoi (rires). Parce qu’il y a le pouvoir derrière. C’est vachement important, ça. Et moi je comprends aussi que les gens des Bauges, ils soient un peu méfiants par rapport à lâcher le pouvoir à des gens qu’on connaît pas. Qu’on connaît pas, et quelque-part, y’a une forme de légitimité aussi, à avoir été les paysans d’ici, ils ont quand même leur légitimité. Moi j’ai un pied de chaque côté, alors je vois bien les choses. Ceci dit, leur légitimité, ça a des fois été le malheur du pays parce qu'ils ont pas été assez dynamiques, sauf que le fait d’avoir pas été dynamiques, on a un pays qui a pas bougé et aujourd’hui, c’est notre plus grande richesse. »

Mais il existe d'autres lieux d'inscription dans l'espace public. Le monde associatif tient en particulier une place très importante dans la vie du canton. Deux associations se préoccupent explicitement de développement local, et se veulent par conséquent des lieux de réflexion sur l'avenir du massif : ce sont les Amis des Bauges et Oxalis.

Les associations :

Les Amis des Bauges

L'association « Les Amis des Bauges » a été créée au début des années 1970 par les premiers néo-ruraux du massif et les premiers « partis-revenus ». L'association est au départ constituée pour préserver et valoriser d'un point de vue touristique un site au bord du Chéran comprenant des grottes et nommé Pré-Rouge. Puis, ceux qui se sont mobilisés autour de ce projet décident de se consacrer à l'animation touristique dans le canton. Le premier numéro de leur journal, l'Ami des Bauges, paraît en 1974.

Les premiers membres de l'association expliquent qu'ils se sentaient en désaccord avec la façon dont les conseils municipaux géraient la situation. Pour eux, ces derniers étaient trop fatalistes et se contentaient de gérer les affaires courantes, sans chercher véritablement des moyens de revitaliser le pays. Ils leurs reprochaient aussi d'être trop marqués par l'« esprit de clocher », alors que le canton paraissait aux néo-ruraux une échelle plus pertinente pour résoudre certains problèmes. Cependant, ils n'avaient alors aucune chance d'être élus dans les mairies.

‘ « Je crois que le premier élément un peu fédérateur, ça a été la création des Amis des Bauges. Ça a été ça, et ça a été aussi la mise en place du journal. Du journal l’Ami des Bauges. Des éléments, aussi… Tu reprends le premier numéro de l’Ami des Bauges, qui doit être aux archives aux Amis des Bauges, ben tu te rendras-compte qu’on était 6 ou 7. Je dois avoir fait l’éditorial, d’ailleurs, de ce numéro. Pendant longtemps, ben oui, il avait deux pages, et puis on essayait de… Parce que moi, il m’a toujours semblé que… - c’est pour ça que je me suis toujours impliqué dans la vie, comment dirais-je, plus générale - il m’a toujours semblé que si on voulait pas crever, il fallait se regrouper. Il fallait qu’on apprenne à travailler ensemble, il fallait qu’on apprenne à se connaître, il fallait qu’on apprenne à casser ces frontières. Parce qu’il y avait réellement des frontières. Jarsy et Ecole, c’étaient deux commune séparées, je dis pas qu’on se disait pas bonjour, c’est pas la question, mais où bon, pour des questions d’idées politiques ou d’idées religieuses, les enfants s’envoyaient encore des pierres à la figure, quoi. (...) C’étaient des rivalités, les villages étaient vraiment des trucs indépendants, et moi je voyais pas bien l’indépendance de ces villages quand tu atteins des populations de 100 à 150 habitants. (...) Parce qu’on est quand même descendus à 100 habitants. Il y a 20 ans, Jarsy, c’était 100 habitants, réels. ’ ‘ - Question : Oui, dans les années 80, quoi.’

- Ouais. 5 gamins scolarisés. C’est que t’as intérêt quand même à te remuer, quand tu arrives à ce stade-là. (...) C’est-à-dire que ça continuait à descendre, et ce qu’on essayait, peut-être inconsciemment de faire, c’était d’enrayer cette chute. C’était pas… On attend pas le creux de la vague qu’il n’y ait plus personne dans les villages pour essayer de faire quelque-chose, mais au contraire, on fait quelque-chose, parce qu’on sent bien qu’on glisse. »

(Paul)

Le groupe qui compose à l'origine les Amis est bien identifié par tous les protagonistes de l'époque. Il comprend un certain nombre de néo-ruraux, et des « partis-revenus » comme Laure et l'actuel président du Parc.

‘ « Alors il y avait, moi j’étais un cas parce que j’étais originaire et que je voulais revenir, mais il y avait quelques personnes qui s’étaient installées, venant d’ailleurs, et donc les plus célèbres c’est Paul à Jarsy avec son atelier de maquettes, des Parisiens, après il y avait Denis à Ecole en Bauges, là-bas, aux Landagnes, il y avait une dame, Madame D. qui était aussi à Sainte-Reine qui était pas d’ici, voilà, donc en fait aux Amis des Bauges, il y a eu toute une équipe de gens qui n’étaient pas des Baujus d’origine, mais qui étaient intéressés, parce que pour eux c’était un choix de vie pour participer à la vie locale et qui ont constitué avec moi les Amis des Bauges. »’ ‘ (Laure)’

Ses membres se distinguent culturellement de la population baujue, notamment parce que la plupart d'entre eux ont fait des études :

‘« Question : Et là, alors, le petit groupe qui a monté ça, qui c’était ? C’étaient des gens un peu comme toi de l’extérieur, ou il y avaient des gens d’ici ? C’étaient des jeunes ?’ ‘- « Non, non. Il y avait effectivement quelques personnes de l’extérieur, qui s’appelaient le curé du Châtelard qui était l’abbé Grumel, qui s’appelaient madame D. qui était une dame qui s’était installée au col du Frène pour vendre des objets artisanaux, et puis, en étranger, je crois qu’il y avait nous. Et puis alors le reste, on trouvait déjà des Laure M., des [l'actuel président du PNR]. On trouvait ces noms là. C’est des noms qu’on retrouve un peu maintenant. ’ ‘- Question : Et Laure M. et [le président du Parc], à cette époque là, c’étaient des jeunes du coin qui faisaient des études ?’ ‘- Ah ben oui, ah ben oui, c’étaient des jeunes. Je sais pas quel âge il a [le président du Parc], mais il y a pas de problème, c’étaient les jeunes. ’ ‘- Question : Mais je veux dire, par rapport aux gens d’ici, c’étaient ceux qui étaient partis faire des études à l’extérieur ?’ ‘- Oui, bien sûr. Et oui. Culturellement, si tu veux… Mais ça veut pas dire que c’était quelque-chose qui était fermé aux gens du terroir, loin de là, loin de là. Bon petit à petit, ça s’est étoffé, mais c’est vrai qu’il y avait le fils G., qu’on peut considérer comme des étrangers, bien que son père ait tenu la pharmacie pendant je sais pas combien de temps au Châtelard. Mais c’était quand même, socialement et culturellement, bon, je vais pas dire l’élite, parce que c’est un peu prétentieux, tu vois mais… » ’ ‘ (Paul)

D'autres témoignages confirment qu'à l'époque, les Amis sont perçus comme des gens un peu à part, des « originaux ».

‘ « Les Amis, c’est des gens nouvellement installés, comme Paul. Laure et Bernard se sont appuyés sur eux. On a été d’ailleurs plus ou moins embringués. Laure est allée à la pêche d’intellos variés ou de gens un peu originaux, enfin, les intellectuels qui traînaient par là. Paul a eu un rôle d’appui important. Il a dû arriver à la fin des années 1960. Alors qui il y avait dans les Assemblées Générales ? Il y avait aussi les gens du bois comme Jo Fabre C’est une famille puissante, ceux qui ont la scierie. C’est l’entreprise de gauche des Bauges. Ils soutenaient le mouvement. Parce que les agriculteurs sont très conservateurs. Il y avait aussi des innovateurs de tous poils comme le maire de la Compôte qui a édité son bouquin à l’Harmattan. »’ ‘ (Denis)’

Leurs initiatives sont alors perçues par les Baujus de souche au mieux avec une certaine indifférence, au pire avec hostilité.

‘« - Question : Et comment l’association était perçue par la population ? ’ ‘- Ben toujours difficile, quoi, hein, parce que… Parce qu’on était encore et on est peut-être de moins en moins, mais quand même, il y a eu cet espèce de fatalisme, d’être… ça a été porté quand même par des leaders qui ont inversé le cours des choses, mais la grande majorité, c’était : « foutez-moi la paix et laissez nous vivre tranquille, et qu’il se passe rien et après moi le déluge », enfin je l’ai entendu souvent. Ce que je dirais par rapport à ça aussi, c’est que c'était une population âgée, cherchant pas trop l’innovation, ou à bouger, des gens partis des Bauges revenant le week-end très conservateurs aussi (mais c’est toujours pareil, ça) et pas trop d’initiatives de la part des gens. Donc moi j’ai vécu ça comme étant une grosse restructuration agricole, donc les paysans ils avaient autre chose à faire, et puis pas de diversification, restructuration, donc élargissement des exploitations, c’était l’objectif principal, et puis autour de ça, il y avait pas tellement de volonté ni d’aller sur le tourisme ni sur d’autres types de développement, quoi. Pas de motivation pour ça. » ’ ‘ (Laure)’

Les comptes-rendus des réunions de l'époque montrent d'ailleurs que leur position de relative extériorité ne cesse de préoccuper les membres actifs de l'association, qui se désolent régulièrement de l'absence des « Baujus », et cherchent des moyens de les intéresser.

Malgré cette semi-marginalité, les Amis des Bauges semblent avoir été dans les années 1970 et 1980 un formidable lieu de réflexion. Marqué par les mouvements du développement local, de l'éducation populaire, comptant dans ses rangs quelques figures du catholicisme de gauche du canton, l'association est à l'origine d'un grand nombre d'idées ou d'intuitions appelées à un grand avenir. Même si beaucoup de leurs projets débouchent sur un relatif échec, même si les comptes-rendus de réunion témoignent de l'isolement ressenti par les membres de l'association, ces derniers mettent en place très tôt un certain nombre d'initiatives qui seront les points de départ de réalisations importantes pour le canton.

Ils sont en particulier les premiers à imaginer de s'appuyer sur le patrimoine local pour développer le pays. Dès les années 1980, leurs comptes rendus de réunion témoignent d'un intérêt pour l'histoire des communautés rurales. En 1983, ils recrutent une étudiante en ethnologie pour travailler sur le village de Doucy, ce qui donnera lieu à la publication d'un petit livre 122 . Ils organisent des expositions sur la vie paysanne. Ils tentent aussi de valoriser certaines pratiques artisanales, comme l'argenterie des Bauges, et organisent des formations. Ils essaient de relancer la fabrication artisanale traditionnelle de couvertures piquées dans les Bauges. Ils organisent pour cela des stages, et essaient de trouver des débouchés commerciaux. L'opération est un échec complet, et à ma connaissance, plus personne ne fabrique aujourd'hui de couvertures piquées dans le canton. Ils rencontrent en revanche un certain succès avec l'idée de créer une maison des artisans à Lescheraines, maison qui existe encore aujourd'hui et qui, en ouvrant lors des vacances scolaires et avant Noël, permet aux différents artisans du massif d'écouler une importante partie de leur production. En 1990, ils lancent un premier inventaire du patrimoine dans les 14 communes. Ils font aussi un important travail pour permettre l'édition d'extraits de la thèse de l'abbé Gex, retrouvée dans les années 1980 à l'Institut de Géographie Alpine.

Ils s'intéressent au patrimoine naturel, et en l'occurrence à la réserve de faune et de flore et se préoccupent de son peu de popularité auprès des habitants 123 et ont, les premiers, l'idée de créer à Ecole un « musée de la réserve ». Un dossier contenant le projet muséographique est même réalisé 124 , mais là encore, c'est un échec faute de financement. C'est finalement le Parc qui reprendra le projet et construira une « maison de la faune et de la flore » à Ecole. Celle-ci a ouvert en 2001.

Les Amis des Bauges semblent avoir été les premiers à élaborer un projet de territoire plus large, qu'ils baptisent « les Grandes Bauges » à la fin des années 1980, et à prendre contact avec des associations du pourtour du massif. Les élus à qui ils présentent alors cette idée n'y croient pas. Pourtant, c'est bel et bien le territoire du Parc qui se dessine alors.

Enfin, l'association a été un vivier dont sont sortis plusieurs des élus actuels du massif. Elle a été pour de jeunes Baujus un moyen de proposer autre chose face aux élus âgés. On peut notamment citer l'actuel président du Parc, à l'époque éminent chroniqueur du journal l'Ami des Bauges, et Laure, l'ancienne salariée de l'association, aujourd'hui maire de la Motte en Bauges, vice-présidente de la communauté de communes et vice-présidente du Parc. Les Amis ont été pour eux un lieu où faire leurs premières armes, se former, créer un réseau de relations. Pour des néo-ruraux comme Paul, ils ont été une première scène publique, une occasion de faire leurs preuves en faisant quelque-chose pour le pays. Après des années d'efforts patients, de réussites, mais aussi d'échecs, la reconnaissance obtenue par son travail auprès des Amis fait sans doute partie des éléments qui lui ont permis d'être élu dans sa commune en 1989 :

‘ « C’est un peu prétentieux, tout ça. Tu couperas. Non mais, c’est parce que c’est vrai que je suis très fier de cette élection. Bon, je veux dire le Parisien qui arrive, après trente ans, à être élu, non, c’est pas évident, mais il faut pas non plus que ça ressemble à la petite histoire, au petit conte de fées. Il y a un travail derrière tout ça, il y a une participation, et il y a une implication, simplement, dans la vie. Et cette implication, c’est vrai que tu peux la traduire d’une façon très prétentieuse en disant « youkaidi, youkaida, je suis le meilleur », ou simplement ben parce que moi j’avais envie de faire quelque-chose pour un village et pour une région que j’aimais, pour un pays que j’aimais et qui m’avait ou que j’avais adopté, je sais pas qui a adopté l’autre. Je pense que dans un premier temps, j’ai adopté les Bauges, et les Bauges m’ont adopté ensuite, quoi. »’

Et en effet, si les Baujus de souche semblent avoir été très méfiants vis-à-vis de l'association des Amis des Bauges dans ses débuts, ses fondateurs bénéficient aujourd'hui d'une certaine estime de la part la plus âgée de la population. D'autres néo-ruraux ont suivi des parcours similaires, et même si tous n'ont pas brigué de fonctions électives par la suite, leur action bénévole leur a conféré une reconnaissance qui leur donne aujourd'hui un poids et une légitimité dans le canton, quel que soit le domaine dans lequel ils s'engagent.

Les Amis des Bauges semblent avoir vu leur influence décliner avec l'apparition du Parc, qui gère aujourd'hui avec des moyens beaucoup plus importants les projets de valorisation touristique et patrimoniale. Ils ont recentré leur action sur le domaine social et en direction des enfants et des jeunes, et ont obtenu un label de Centre socio-culturel. Mais ils ne me paraissent plus jouer le rôle d'agitateur qui fut le leur tout au long des années 1970 et 1980. L'association est cependant toujours un lieu d'accueil pour les nouveaux arrivants qui y trouvent la possibilité de tenter d'obtenir des améliorations en terme de garde d'enfants, de loisir, de culture.

‘ « Pour la plupart, c'est pas des gens d'origine des Bauges. Actuellement, dans le conseil d'administration, il y a de jeunes ménages qui se sont installés dans les Bauges depuis deux ans, et qui arrivent avec des besoins importants. Parce que bon, soit ils viennent de milieux urbains, soit ils viennent d'un autre canton un peu moins rural, et eux, ils s'attendent ici à trouver les mêmes choses. » ’ ‘ (Marie, Salariée de l'association)’

Oxalis

L'association Oxalis est issue d'une dynamique tout à fait différente et ne présente pas un tel bilan, mais me parait importante pour le réseau qu'elle anime aujourd'hui.

Comme je l'ai mentionné en décrivant le parcours de Pascale, elle est au départ composée d'un groupe de jeunes venus de Chambéry où ils vivaient en communauté, qui s'installent à Bellecombe à la fin des années 1980. Ils cumulent plusieurs activités : la culture biologique de petits fruits pour les confitures et la réalisation de jus de pomme, la gestion de gîtes, l'accueil de scolaires sur des projets d'éducation à l'environnement, l'organisation de randonnées avec des ânes, l'animation culturelle du canton, avec l'organisation d'animations festives et de conférences, etc. Le noyau de base de l'association est donc constitué par des individus venus des villes voisines. Au départ, ceux-ci semblent avoir considéré les Bauges et le monde rural avant tout comme un lieu neuf, ouvert, où ils vont pouvoir mettre en pratique leurs idées de vivre différemment et leur projet économique alternatif. Ils veulent dans le même temps contribuer au développement local du territoire sur lequel ils vivent :

‘ « Là, on a basculé de ce côté militant, comme tu disais de l’association espace de loisir, à une association pour créer une activité économique, mais pas d’activité économique uniquement dans le sens créer notre propre emploi, mais ouverte sur le massif et ouverte sur le développement local. Voilà, dans le sens où nous on entend le mot développement local. On est des acteurs et on a envie de contribuer, de faire des choses. Donc du coup on a les deux… deux activités, enfin pas deux activités mais deux axes. Un axe production agricole, et l’axe plus développement local, au sens vraiment très large du thème développement local qui était plus… qui était complètement associatif.» ’ ‘ (Pascale)’

Le groupe arrive donc au départ pour mettre en oeuvre un projet conçu à l'extérieur du massif. Il cherche dans le même temps à s'intégrer à la population locale.

‘ « Donc on a aussi essayé de s’intégrer au mieux ici, et donc pour nous ça passait par participer à des choses locales. Donc on a participé à… On est allés donner des coups de main dans des fêtes, et donc du coup, on a été accueillis par ce biais-là, et c’est comme ça qu’on s’est… Enfin y’a des liens qui se sont faits par un côté très volontaire de notre part de nous intégrer. »’ ‘ (Benoît)’

Mais cela ne se fait pas sans heurts : les idées d'Oxalis sur le travail, le mode de vie semi-communautaire de ses membres ne facilitent pas la compréhension par les locaux.

‘ « Donc il y a Benoît et Alex qui étaient instits, eux ils ont demandé un poste en Bauges. Donc Benoît a obtenu un plein-temps, il avait plus de points que Alex, il avait plus de facilité que lui, donc il a eu un plein temps sur un petit village, à Arith, et il a demandé un mi-temps, et du coup, Alex a pu postuler pour un mi-temps et il a pu l’obtenir. Donc ils se sont partagés une classe unique à tous les deux, un mi-temps chacun. Voilà, donc c’est assez cocasse, ça, parce qu’en terme d’intégration, quand tu arrives à deux mecs et que tu bosses à mi-temps, tu es forcément un feignant, donc… En plus ils avaient… ils travaillaient sur une pédagogie Freney, tout ça, donc… » ’ ‘ (Pascale)’

De nombreux Baujus de souche considèrent encore aujourd'hui ce groupe avec méfiance et le soupçonnent d'être une secte. Le conseil municipal de Bellecombe fait preuve de beaucoup de réticences à son égard, ce qui ne facilite pas certains de ses projet.

Les membres d'Oxalis ont une vision assez critique du monde rural traditionnel, dans lequel ils veulent faire tomber certaines frontières. Ils ne renient d'ailleurs rien de leur culture urbaine, et sont très liés à des associations de Chambéry ou de Grenoble. Avec parfois une volonté délibérée de provoquer, ils tentent de permettre à des mondes différents de se rencontrer. Par exemple, ils participent à la restauration de la scierie à grand cadre de Bellecombe, et font venir des jeunes urbains issus de quartiers en difficulté.

‘ « L’autre exemple de notre lien avec la commune, enfin avec la commune... en tout cas avec le local, c’était de participer à la rénovation de la scie à grand cadre. Donc ça c’était important, parce que c’était à la fois participer à une action locale, donc toujours dans l’idée de s’intégrer le mieux possible, et à la fois travailler avec les anciens du pays, donc ça c’était bien et à la fois emmener nos savoir-faire sur l’organisation de chantiers de jeunes, et du coup de faire des ponts qui ont été vraiment passionnants, d’avoir d’un côté des jeunes de banlieue, pour la plupart, sûrement pas français, en face de gens qui sont quand même déjà racistes, même quand t’es pas des Bauges, t’es déjà étranger, donc quand en plus t’es arabe, on n’en parle pas, quoi. Donc c’était un enjeu complètement fou de dire, déjà à Oxalis, on était vus déjà un peu comme des étrangers, et en plus on amène des Arabes, donc ça arrange pas, et pour travailler sur le patrimoine local avec des anciens du pays. Donc ça, ça a révolutionné les choses dans la tête des gens qui se sont dit « comment ces jeunes là viennent d’une façon bénévole pour notre patrimoine », et ça, ça a fait « cric cric ! » dans la tête. »’ ‘ (Pascale)’

L'association est très impliquée dans les réseaux nationaux d'éducation à l'environnement, et en particulier le réseau Ecole et Nature. Oxalis est aussi proche des mouvements d'éducation populaire de type Peuple et Culture, et collabore à la revue Alternatives rurales. En 2001, Pascale est sollicitée par le Conseil National de la Vie associative pour mener une étude destinée au premier ministre sur la participation des associations à la vitalité des territoires. En 2002, l'association organise à Chambéry et à Jarsy Planet'ère, un forum mondial sur l'éducation à l'environnement. La reconnaissance institutionnelle d'Oxalis au niveau national voire international contraste quelque-peu avec sa relative marginalité en Bauges, où ses membres sont considérés sans aménité par les institutions en place, et notamment par le Parc dont les dirigeants, élus et direction, n'apprécient pas beaucoup certaines de leurs prises de position virulentes.

Une de ses dernière initiatives est la mise sur pied d'une coopérative d'emploi sous forme de SCOP afin de venir en aide aux entrepreneurs débutants. Il s'agit là encore de permettre l'émergence de projets économiques différents.

Oxalis fédère aujourd'hui la part la plus jeune des néo-ruraux, car elle se situe dans une mouvance idéologique qui rejoint celle de nombreux migrants actuels dans les campagnes. Ce ne sont plus les soixante-huitards d'autrefois, mais la génération qui a été formée à l'écologie à l'école. Marqués par les théories du développement local, ils ambitionnent de lier problématiques locales et globales. Souvent proches des mouvements altermondialistes (l'association adhère d'ailleurs à ATTAC), ils refusent une certaine forme d'économie marchande et entretiennent une dimension internationale assez prononcée dans leurs actions, avec notamment des liens avec des associations des pays du Sud. Pour ces jeunes migrants, le monde rural est un lieu où tenter d'inventer une autre économie, et une autre citoyenneté. Côté économie, ils revendiquent une pluriactivité avec un aspect agricole qu'ils rattachent au mode de vie traditionnel de la moyenne montagne...

‘ « La base, c’est un pays agricole, c’est un pays aussi qui a beaucoup vécu en autarcie, sur de la polyculture, de la polyvalence sur de la… comment dire ? de la pluriactivité au sens large du terme, c’est-à-dire les personnes elles-mêmes qui juxtaposaient plein d’activités pour vivre, et à la fois, une même famille qui a besoin de tout produire pour pouvoir exister, quoi. Donc c’était quelque-chose avec laquelle on se sentait en phase, avec cette valeur-là du pays. Donc on avait dit que si on faisait quelque-chose ce serait sur une base agricole. »’

D'autre part, les formes actuelles de la démocratie dans le monde rural et ailleurs sont une des questions explicitement posées par Oxalis, qui organise en avril 2002 à Jarsy le congrès du réseau « école et nature » sur le thème des « nouvelles gouvernance ». Celui-ci rassemble près d'un millier de personnes en trois jours. C'est aussi dans un réseau proche de l'association qu'à été lancée fin 2001 l'idée de mettre en place un collectif citoyen en Bauges. C'est-à-dire qu'Oxalis se trouve au centre d'un mouvement de revendication d'une organisation politique différente pour le monde rural, avec en particulier l'instauration d'une démocratie participative comportant de nouveaux espaces de débat. Pour les membres de cette association, l'espace rural apparaît comme un lieu d'utopie, un lieu ouvert, libre, où inventer de nouvelles façons de travailler, d'être citoyen, de vivre ensemble. Leurs difficultés d'intégration proviennent sans doute en partie de cette vision de la campagne, qui a pu les conduire dans un premier temps à négliger quelque-peu les institutions existantes et les espaces publics traditionnels. S'ils se sont adaptés à la réalité locale et sont parvenus à négocier leur place, il n'en demeure pas moins qu'ils assument une forme d'idéalisme qui se heurte parfois aux modes de négociation et de prise de décisions en cours sur le territoire et aux formes de légitimités qui leur sont attachées. Oxalis semble cependant être aujourd'hui au coeur d'un réseau qui constitue une nouvelle force de proposition pour le territoire, comme l'ont été autrefois les Amis des Bauges, aujourd'hui plus en retrait.

Et une multitude d'associations

Mais le monde associatif ne se réduit pas aux Amis des Bauges et à Oxalis. Il est aussi composé d'une multitude de petits groupements actifs chacun dans leur domaine. Ce sont les parents d'élèves, les comités des fêtes, l'école de musique. On peut citer aussi Gribouille, que j'ai déjà mentionnée, dont les membres ont milité pour la création de la halte-garderie, avant de se tourner vers la culture enfantine, ou La Bohème, créée par une intermittente du spectacle qui anime notamment une école du cirque pour les enfants et propose diverses animations et spectacles.

Chacune de ces associations permet aux nouveaux arrivants de s'impliquer dans la vie du canton sans trop s'engager « politiquement ». Aussi, c'est bien souvent au sein de celles-ci que débutent les trajectoires publiques. Devenir, par exemple, membre du bureau de l'école de musique permet à un néo-rural de se sentir utile à la collectivité en promouvant l'accès pour tous à la culture musicale. Cette première approche peut être le début d'une stratégie d'intégration dans les cercles décisionnels. Elle lui permet de rencontrer les nombreux adhérents de cette association, et d'apparaître comme un acteur du développement local, donc d'acquérir un réseau et une légitimité qui permettront à terme de devenir responsable d'association plus reconnues, comme les Amis des Bauges, ou de se porter candidat à un mandat électif. De la même façon, animer pendant plusieurs années le comité des fêtes est une bonne passerelle en direction du conseil municipal.

Nous pouvons aussi mentionner le cas particulier des associations à but patrimonial, assez nombreuses dans le canton. Ce sont par exemple l'Association pour la Sauvegarde de la Chartreuse d'Aillon, l'association des Amis du Patrimoine, à Bellecombe, grâce à laquelle la scierie à grand cadre a été remise en état, le « groupe patrimoine » du Châtelard, dont j'ai raconté une réunion (et qui n'est pas à proprement parler une association), mais aussi les nombreuses associations existant dans chaque village et visant à la restauration du petit patrimoine bâti - fours à pain, lavoirs... - comme par exemple celle de Saint-François-de-Sales qui organise chaque année une fête du pain. L'activité dans ces divers groupes permet aux individus de montrer leur attachement à l'histoire particulière du lieu qu'ils ont fait leur. Benoit de l'Estoile, qui s'est intéressé aux érudits locaux, montre que l'investissement dans le passé est aussi une forme d'appropriation des lieux, une façon de prouver publiquement son attachement à ceux-ci, et d'acquérir éventuellement une certaine reconnaissance vis-à-vis des habitants « de souche ». Pour lui, « Une des significations essentielles de l'investissement dans l'histoire locale […] est donc de permettre l'établissement d'un lien personnel avec le territoire, inscrivant celui qui revendique comme sienne une part du passé dans une continuité à la fois temporelle et spatiale face à un monde qui change. Ce qui est en jeu, c'est la place dans une société locale d'interconnaissance […]. » 125 Participer à la restauration d'un élément patrimonial peut donc aussi constituer une étape importante dans l'acquisition d'un statut au sein du territoire.

L'exemple typique de ce type de parcours est sans doute celui de Pascal Avant même de prendre sa retraite et d'habiter à plein temps sur le territoire, celui-ci avait fait la connaissance de Louis Brun, maire du Châtelard et érudit local auteur de plusieurs fascicules sur le patrimoine local et d'un ouvrage sur son village. Celui-ci l'invite à participer au « groupe patrimoine », et à l'association pour la Sauvegarde de la chartreuse d'Aillon dont il est le président. Lorsqu'il décède, en 1996, on propose à Pascal, désormais installé en Bauges, de prendre sa succession à la tête de cette dernière. Pascal accepte et se lance avec enthousiasme dans ce qui est devenu l'un des buts de sa vie : faire restaurer la chartreuse et en faire un des éléments-phares du tourisme du massif. Il met à profit toutes ses compétences d'ancien chef d'entreprise, monte des dossiers, organise des réunions, propose au Parc d'être le « facilitateur » de tout ce qui concerne la chartreuse. Il parvient ainsi à relancer le dossier, qui s'enlisait quelque-peu, et devient un interlocuteur privilégié du Parc, pilier de sa « commission patrimoine culturel rural ». Il mène dans le même temps des recherches sur le patrimoine religieux du massif et doit publier prochainement un ouvrage sur la question. Pascal est aujourd'hui un personnage connu et reconnu dans le canton. Lorsque la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie - société savante bénéficiant en Savoie d'un certain prestige - consacre en 2004 son colloque annuel au massif des Bauges, il est sollicité pour faire une conférence.

C'est ainsi que ceux qui ne bénéficient pas d'une légitimité locale (migrants fraîchement arrivés, jeunes...) peuvent effectuer un parcours qui les conduit des lieux d'expression publique les plus éloignés du pouvoir à d'importantes responsabilités au sein d'institutions décisionnelles. Nous voyons aussi de quelle façon un groupe lui-même quelque peu marginal, comme l'ont été en leur temps les Amis des Bauges, peut se révéler précurseur et porteur d'une vision d'avenir. Il arrive que celui-ci perde en partie sa capacité d'innovation une fois que ses idées sont mises en oeuvre ( les Amis des Bauges ont en l'occurrence été phagocytés par le Parc qui s'est doté d'objectifs similaires avec des moyens beaucoup plus importants). D'autres agitateurs apparaissent alors. De la même façon, au niveau des personnes, les légitimités se décalent dans le temps : ceux qui faisaient autrefois figure d'utopistes ou de doux rêveurs au sein des Amis des Bauges ont aujourd'hui pour certains d'entre eux d'importantes responsabilités (Paul et Laure sont chacun devenus maires de leurs communes respectives et vices-présidents du Parc). Ceux qui ont organisé en 2001 les premières réunions du collectif citoyen incarnent aujourd'hui cette marginalité. Mais à voir le désir de certains d'entre eux de contribuer à améliorer la qualité du débat démocratique sur le territoire, il n'est pas douteux qu'ils continueront à s'engager et accéderont un jour à leur tour à des postes au sein des instances décisionnelles. Le glissement devrait ainsi continuer.

Notes
120.

Ce type de légitimité héritée est analysée par Marc Abélès dans le cas d’une petite commune de Bretagne, cf ABELES, Marc, « Rituels de l’héritage politique », dans : ABELES, Marc et JEUDY, Henri-Pierre, 1997, Anthropologie du politique, Paris, Armand Colin, pp. 127-147.

121.

Au deuxième tout, Armand Dusserre a obtenu 53, 25 % des suffrages contre 46,75 % à son adversaire. En 1998, son prédécesseur avait largement battu le candidat de gauche avec un rapport de 65 % à 35 %.

122.

ALEXIS, P., Doucerains...

123.

Voir la Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage, chapitre IV partie 3.

124.

Disponible dans les archives des Amis des Bauges, au Châtelard.

125.

Benoît de l'Estoile, 2001, « Le goût du passé, Érudition locale et appropriation du territoire », Terrain n° 37, septembre 2001, pp. 123-138, p 138.