Une restauration négociée au résultat contestable

Mis à part la réfection du toit qui avait été effectuée dès 1994 pour préserver le bâtiment menacé par les intempéries, les travaux de restauration ont eu lieu entre 1999 et 2002. Leurs modalités ont été mises au point suite à d’âpres négociations entre les quatre acteurs. Aussi, le résultat peut-il sembler manquer de cohérence.

L’association, nous l’avons vu, insiste pour que la chartreuse retrouve son visage d’antan. Cela conduit parfois à des choix radicaux. Un balcon en pierre de taille avait ainsi été rajouté sur la façade par les propriétaires, la rendant semblable à celles des maisons baujues les plus cossues. Il a été détruit et remplacé par une niche dans laquelle doit prendre place une statue de la vierge à la fin des travaux. Les volets des fenêtres ont à leur tour été supprimés, car la chartreuse n’en comportait pas à l’origine. La façade est donc nue et très austère.

Illustration 5 : La chartreuse avant la restauration, image tirée de La Savoie du 14 mai 1999
Illustration 5 : La chartreuse avant la restauration, image tirée de La Savoie du 14 mai 1999
Illustration 6 : La chartreuse après la restauration
Illustration 6 : La chartreuse après la restauration

La volonté d’authenticité qui prime au sein de l’association doit cependant parfois céder le pas aux considérations économiques. Ainsi, comme les fenêtres devaient être peintes, il a été décidé qu’elles seraient fabriquées non pas en chêne, mais en bois exotique, moins onéreux, ce qui a scandalisé nombre d’adhérents. J’ai ainsi pu entendre certains d’entre eux s’insurger contre ce procédé qui leur paraissait indigne de l’hommage qu’ils souhaitaient rendre à la chartreuse.

De son coté, le Parc, pour gagner de l’espace muséographique, a obtenu que l’on mure une des larges fenêtres en arcade du rez-de-chaussée donnant sur la cour intérieure et le bassin, là encore au grand dam des membres de l’association. Le bilan des travaux peut donc apparaître comme assez peu logique : d’un côté, on détruit un balcon parce qu’il n’est pas « d’époque », mais de l’autre, on mure une fenêtre qui, elle, l’est assurément.

Par ailleurs, la plupart des décisions ont été négociées de façon assez confidentielle entre les quatre acteurs, sans que l’avis de la population qui habite la Combe ne soit réellement pris en compte et que les choix ne lui soient expliqués. Et ce qui est le plus frappant dans le résultat obtenu, c’est le traitement dont la population agricole fait l’objet, de manière plus ou moins consciente par les différentes instances chargées de la restauration.

En voulant redonner à la chartreuse son aspect d’avant 1792, l’association semble considérer comme illégitimes toutes les transformations survenues après cette date. Tous les éléments ajoutés à la maison par la famille d’agriculteurs sont donc détruits, le plus visible étant sans doute la modification de l’aspect de la façade, avec la suppression du balcon et des volets. Dépouiller la chartreuse de ces éléments constitue un symbole fâcheux : tout se passe comme si l’on évinçait métaphoriquement la population agricole d’un monument qu’elle avait usurpé, et que l’on faisait disparaître systématiquement les souvenirs de cet épisode. Les 150 ans d’histoire paysanne de la chartreuse semblent être considérés comme une parenthèse qu'il conviendrait d'effacer.