3. La réserve de chasse et de faune sauvage d’Ecole et la maison faune-flore : la patrimonialisation du « naturel »

Il existe actuellement huit Réserves Nationales de Chasse et de Faune Sauvage (RNCFS) en France, parmi lesquelles celle des Bauges.

Une Réserve Nationale de Chasse est un dispositif visant à protéger les espèces menacées par la chasse, et à développer le gibier à des fins de réintroduction-repeuplement. Sur son territoire, tout acte de chasse est interdit. Sa gestion est confiée à un organisme, le plus souvent l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), qui dispose seul du droit de chasse dans la réserve. Celle des Bauges est mise en valeur par le PNRMB comme un lieu emblématique de sa politique de protection du patrimoine naturel. L’Echo - le journal du Parc - de juillet 2003 titre ainsi : « La réserve nationale de chasse et de faune sauvage, fleuron naturel du Parc ». Le Parc a par ailleurs ouvert en 2002 la « Maison faune-flore », située à Ecole, au pied de la réserve et consacrée en grande partie à cette dernière.

Or, la réalisation de ce projet, qui s’est déroulée alors que j’étais présente en Bauges n’a pas toujours recueilli l’assentiment de la population. J’ai souvent eu l’occasion d’entendre des propos peu amènes à l’égard du Parc et de ses « maisons » : « Ici, on préfère faire du tape à l’œil, on fleurit, on fait des maisons. Mais qu’est-ce qu’il y a dans ces maisons ? Tout le monde se le demande. Les gens disent « ça sert à quoi, encore des sous qu’on nous pompe. » Peu à peu, au fur et à mesure de mes trois ans de présence, je devais me rendre compte que la mauvaise humeur affichée vis-à-vis de cette réalisation cachait de la part de ceux qui sont nés sur place une angoisse réelle. Pour les populations d’origine agricole, la réserve est le symbole d’une nature conquérante, qui regagne la place laissée par l’homme au cours de la déprise. Quant aux néo-ruraux, la manière dont la maison faune-flore a été réalisée a laissé à nombre d’entre eux l’impression amère d’un manque de reconnaissance du travail des acteurs locaux. La nature, ici mise en avant, est certes un élément important dans la façon dont ils se représentent le territoire, mais doit-elle pour autant faire oublier l'histoire des hommes qui habitent et modèlent ce dernier ?