Un territoire devenu attirant...

Le « cœur du massif », nous l’avons vu, a longtemps été considéré comme une zone particulièrement reculée et difficile à vivre. Cette image est devenue particulièrement oppressante lors de la déprise agricole, au point que les habitants de cette zone pensaient que tout espoir de développement était illusoire, et que le pays allait peu à peu se vider de sa population. Aussi, c’est par un étonnant retournement de situation que l’enclavement de cette zone, vécu comme un handicap, devient une véritable chance, lorsque la ruralité et la tradition cessent d'être connotées négativement et deviennent attirantes pour des populations urbaines avides de dépaysement.

Le Parc naturel régional se construit donc autour du canton du Châtelard. Nous avons vu que l’initiative est d’abord celle des néo-ruraux de l’association les Amis des Bauges, habitant les « Bauges-centre », qui lancent dès les années 1980 l’idée des « Grandes Bauges », sans succès. Puis, ce sont des élus influents du canton, comme le maire d'Aillon-le-Jeune, qui reprennent l’idée à leur compte et enclenchent à partir de 1990 la dynamique Parc.

Il ne faut cependant pas sous-estimer le rôle des élus des pourtours du massif dans la constitution du Parc. Deux d’entre eux en particulier, le maire de Saint-Jean-d’Arvey, village du plateau de la Leysse faisant aujourd’hui partie de la grande banlieue de Chambéry, et le maire de Leschaux, dans la vallée du Laudon, du côté d’Annecy, qui étaient déjà engagés avant leur élection dans l’idée des « Grandes Bauges », se sont particulièrement illustrés pour leur enthousiasme et leur rôle moteur dans cette démarche. Pour ces communes proches des grandes agglomérations, il s’agissait de ne pas devenir seulement des périphéries de grandes villes, des cités-dortoir vivant sous influence, mais de conserver une identification rurale en se liant davantage à la zone plus éloignée des villes du canton du Châtelard :

‘ « Et ben c’est parti d’élus qui étaient extérieurs aux Bauges centre et qui dans des discussions (…) C’était Guillaume Merlin, un autre gars qui bossait à l’assoc, et qui avait tissé des liens dans le boulot, quoi, entre Jean Lazaroto qui était le maire de Leschaux, y’avait aussi Martin [aujourd’hui maire de Saint Jean d’Arvey], et eux c’étaient des gens qui avaient un peu la fibre rurale, et… enfin rurale, et qui se disaient « on a aussi à faire avec les Bauges et pas que avec Annecy, avec l’idée de se faire un peu bouffer par les agglos et par les grands élus d’en bas », et de se dire « bon, notre destin, il est aussi quelque-part… on est des communes rurales », et leurs positions, c’étaient aussi des positions marginales par rapport au cœur des Bauges, et eux ils trouvaient qu’ils avaient aussi à faire avec le centre. »’ ‘ (Ancienne salariée des Amis des Bauges)’

Ces communes tentent en quelque-sorte d’échapper de l’orbite des villes, mais sans pour autant tourner le dos à des groupements de type communauté urbaine ou communauté d’agglomération 218 . Encore aujourd’hui, il est fréquent d’entendre des responsables du Parc mentionner le rôle moteur des communes périphériques, leur volonté de rechercher une dynamique d’ensemble, quand les communes du « cœur des Bauges » semblent plus passives. En effet, les villages qui risquent d'être englobés par la périurbanisation éprouvent davantage le besoin de proclamer leur attachement identitaire à la zone montagneuse. Cependant, c'est bien le territoire du canton du Châtelard qui constitue aujourd'hui un pôle attirant auquel l'on souhaite se rattacher.

En outre, il est possible que les habitants des communes périphériques, d’une certaine manière, se sentent davantage mises en valeur par le type de communication adopté par le Parc que ceux du canton du Châtelard.

Notes
218.

Saint-Jean-d’Arvey fait ainsi partie de la communauté d’agglomération Chambéry métropole, mais aussi du SIVOM du plateau de la Leysse. Les communes du Parc situées dans l’Albanais comme Saint-Offenge-Dessus, Saint-Offenge-Dessous, le Montcel sont aussi membres de la Communauté de Communes du lac du Bourget.