2. Deux façons de penser le territoire et le groupe dans le temps

Les deux formes de récits du passé qui se juxtaposent sur le territoire procèdent bien évidemment de deux représentations divergentes du territoire et des groupes qui l'habitent. Mais ils correspondent aussi à deux modes d'inscription dans la temporalité.

La brève analyse des discours de la mémoire que j'ai effectuée permet tout d'abord de mieux cerner, par comparaison, certaines des caractéristiques du patrimoine mis en valeur en Bauges. Celui-ci, tout en se réclamant du lien avec le passé entretient en fait une coupure avec le passé immédiat, constitué par la période contemporaine. Ce faisant, il semble extraire le présent du temps, et tend à célébrer celui-ci comme porteur d'une réalité immuable. Il relègue en outre les habitants en position de spectateurs davantage que d'acteurs de l'histoire du territoire.

Les mémoires vives, quant à elles, en recréant le lien avec la période contemporaine et ses bouleversements, relèvent davantage d'une dynamique de changement, et sont liées en cela à l'utopie. Elles font des habitants les acteurs d'une histoire en marche.

Par ailleurs, l'existence au sein de la population de récits du passé qui semblent concurrencer l'histoire « officielle » mise en avant par les pouvoirs locaux témoigne aussi du besoin des groupes sociaux de dire leur propre histoire.