Introduction

Les sociétés modernes font face à une croissance des mobilités qui prennent place sur des échelles spatiales toujours plus étendues. La maîtrise de cette tendance de long terme est dorénavant envisagée dans une perspective de durabilité qui suppose de trouver des solutions efficaces d’un point de vue économique, viables d’un point de vue environnemental et équitables d’un point de vue social, aux enjeux soulevés par l’accroissement des déplacements. Le thème de la durabilité focalise aujourd’hui l’attention des chercheurs et des décideurs politiques car les logiques qui le sous-tendent sont parfois non convergentes voire contradictoires. Pourtant c’est à travers ce prisme à trois dimensions que les politiques de transport devront désormais être évaluées. La gestion durable des mobilités est une problématique riche et complexe qui a donné de nouvelles orientations aux recherches dans le domaine des transports. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre questionnement sur les liens entre inégalités économiques et mobilités.

Cette thèse a tout d’abord été motivée par le constat selon lequel les questions liées à l’équité sociale des politiques de transports sont le parent pauvre de la réflexion en matière de développement durable. En effet, malgré la volonté affirmée dans divers textes législatifs d’intégrer les implications en termes de justice sociale des projets de transport, les connaissances accumulées sur le sujet demeurent relativement réduites. L’héritage des Trente Glorieuses, la démocratisation de l’accès à la motorisation des ménages ainsi que l’amélioration généralisée des conditions de mobilité expliquent probablement ce relatif désintérêt de la communauté scientifique au repérage, à l’identification et à l’évaluation des diverses formes d’inégalités dans les pratiques de mobilité.

Dans un contexte socio-économique caractérisé par le ralentissement de la croissance économique et la montée des situations de précarité sociale, la prise de conscience progressive que certaines parties de la population pouvaient rencontrer des difficultés persistantes pour se déplacer a permis de réactualiser la question des inégalités de mobilité. Cela s’est notamment traduit par le lancement d’un vaste programme de recherche sur la thématique « Déplacements et inégalités » sous l’égide du Ministère Français de l’Equipement et des Transports à la fin des années quatre-vingt-dix. Les recherches dans ce domaine sont donc très récentes. Elles sont pourtant indispensables pour améliorer, dans les années à venir, la prise en compte des objectifs d’équité ou de justice sociale dans la définition des politiques publiques de transport. Dans cette perspective des efforts doivent être consentis pour favoriser le rapprochement entre des contributions d’horizons divers (économie, sociologie, géographie, psychosociologie…) qui ont toute leur place dans la compréhension des phénomènes qui tissent les liens complexes entre inégalités socio-économiques et mobilités.