1.2. L’évolution du contexte socio-économique

Au plan macroéconomique, les dernières décennies se caractérisent par une évolution du phénomène inégalitaire. Pendant les Trente Glorieuses, en France et dans la plupart des pays de l'OCDE, croissance économique (augmentation des richesses), justice sociale (meilleur partage des richesses) et idéal démocratique (égalité des droits et des chances) font bon ménage dans le cadre d'une économie de marché et de plein emploi fortement régulée par l'Etat-Providence. Au début des années soixante-dix, la crise économique remet en cause ce cercle vertueux et le modèle égalitaire. Dans tous les pays de l'OCDE, les vingt dernières années sont marquées soit par une montée du chômage (France, Espagne …) soit par une baisse des salaires réels notamment des travailleurs les moins qualifiés (Etats-Unis, Royaume Uni...).

En France, les statistiques disponibles sur les inégalités socio-économiques ne permettent pas de conclure unanimement à un accroissement de leur ampleur. La dernière décennie se caractériserait par une stagnation des écarts de niveau de vie après une longue période de baisse. Pourtant la perception d’une accentuation des inégalités est bien réelle : elle se reflète dans le discours politique - avec des thèmes comme « la fracture sociale », « l’insécurité sociale », et plus récemment « l’état d’urgence sociale » - comme dans celui des acteurs. Le passage d’une société industrielle fortement structurée autour de la hiérarchie salariale à une société « post-industrielle » marquée par l’individualisation des parcours, s’est accompagné de l’émergence de nouvelles inégalités qui participent à une profonde remise en cause de la structure sociale. Aux inégalités traditionnelles se superposent désormais des inégalités intra-catégorielles au sein de groupes autrefois jugés homogènes [Cohen, 1997 ; Dubet, 2001 ; Fitoussi et Rosanvallon, 1996]. Appréhendées hier au sein d’un rapport social, les inégalités deviennent multiformes, s’individualisent et s’insinuent aujourd’hui dans des moments déterminés de l’existence.

L’ensemble de ces transformations sociétales participent au renouvellement de la thématique sur les inégalités sociales. C’est au sein de ce domaine de recherche très large que s’inscrit notre travail, dans la mesure où les capacités différenciées de mobilité constituent selon nous un élément fondamental de production 1 et de reproduction des inégalités socio-économiques.

Notes
1.

Les compétences acquises en matière de mobilité n’apparaissent pas seulement comme la simple conséquence de la répartition des différents types de capitaux (économique, social et culturel), elles constituent également une composante active de la position sociale : « c’est notamment parce qu’elles sont peu mobiles que les populations démunies sont démunies » [Levy, 2000, p. 160].