2.1.3.3. Réduction de la pauvreté mais de nouvelles catégories touchées

Le taux de pauvreté calculé au sens monétaire du terme - soit, d’après l’INSEE, les individus des ménages 1 percevant un revenu mensuel inférieur à la moitié du revenu médian 2 - est passé de 12 % en 1970 à 6,3 % en 2003. Si l’on se réfère au seuil de 60 % du revenu médian, retenu par Eurostat, la diminution sur la période est moins significative : le taux passant de 18 % à 12 % entre 1970 et 2003 (Graphique 1). En 2003, l’INSEE estimait ainsi à 1 570 000 le nombre de ménages pauvres soit 3 694 000 individus.

Au cours des dernières décennies, l’augmentation du nombre de bénéficiaires du système de retraite par répartition d’une part, et la dégradation du marché de l’emploi d’autre part, ont conduit à une amélioration desrevenus de remplacement des générations récentes de retraités, alors que dans le même temps la situation des jeunes se dégradait. Sur la période on a ainsi assisté à un glissement progressif des situations de pauvreté des générations les plus anciennes vers les générations les plus jeunes. Les moins 30 ans sont ainsi davantage exposés à la pauvreté que la moyenne (Graphique 2). Lorsqu’ils ne peuvent compter sur la solidarité familiale 3 , les moins de 25 ans traversent des situations particulièrement critiques car ces individus sont exclus des minima sociaux. Or l’efficacité du système socio-fiscal permet de réduire de moitié le taux de pauvreté : ainsi en 1997, « sans prestations sociales 8,5 % des ménages de retraités seraient pauvres, 4,2 % le sont après prestations sociales. Pour les ménages de salariés ou de chômeurs, la pauvreté passe de 13,6 % sans prestations sociales à 6,6 % après prestations sociales » [Atkinson et al., 2001, p. 84]

Graphique 1 : Evolution du taux de pauvreté
Graphique 2 : Taux de pauvreté selon l’âge

Si la diminution du taux de pauvreté peut laisser perplexe 1 , c’est principalement parce qu’elle s’est accompagnée d’une plus grande diversité des situations. Ce phénomène recouvre aujourd’hui une population plus hétérogène. La pauvreté contemporaine touche des individus plus jeunes et plus urbains dont certains ont un emploi (les « travailleurs pauvres ») alors qu’elle était autrefois âgée et rurale. Les jeunes, les ouvriers, les employés et les familles monoparentales sont plus souvent pauvres. La pauvreté est ainsi devenue plus visible et sans doute plus inacceptable, participant au sentiment d’un accroissement important des inégalités.

Notes
1.

Les ménages dont la personne de référence est étudiante ou militaire du contingent sont exclus du champ.

2.

La pauvreté monétaire est définie relativement au revenu médian et évolue donc comme celui-ci. Sont considérés comme pauvre les ménages disposant de ressources inférieures à 50 % ou à 60 % du revenu médian, selon les pays. En France le seuil de 50 % est le plus fréquemment utilisé, il correspond à un revenu mensuel par uc égal à 602 € en 2001. En retenant le seuil de 60 % comme Eurostat par exemple, on multiplie par 2 le taux de pauvreté.

3.

Les aides provenant des parents et des grands-parents influent significativement sur la situation des jeunes, il semblerait qu’elles réduisent de moitié le taux de pauvreté des jeunes ménages. Grâce à cette solidarité familiale, les niveaux de consommation des jeunes générations demeureraient assez proches de ceux de leurs aînés. Mais « les transferts privés (…) ne sont cependant pas de la même signification que des revenus d’activité ou des prestations sociales. Une analyse approfondie montre que ce sont les ménages les plus aisés qui en bénéficient le plus : les relations familiales et sociales constituent une sorte de capital qui se cumule plutôt avec les autres formes de capital pour renforcer les inégalités » [Atkinson et al., 2001, p. 64].

1.

La situation des jeunes s’étant fortement dégradée, on peut également penser que l’impossibilité de décohabitation à laquelle est confrontée une part croissante des jeunes adultes, ainsi contraints de rester au domicile familial faute de revenu, masque en partie la proportion de pauvres. Cette hypothèse que nous formulons, même si elle était vérifiée ne suffirait toutefois pas à remettre en cause la diminution de la part des ménages pauvres observée sur la période.