2.2.1.2. Accroissement des inégalités au sein de la population féminine

Les avancées en matière d’accès à l’emploi des femmes se sont traduites par un accroissement des inégalités parmi les femmes elles-mêmes : d’une part parce que dorénavant les situations d’activité côtoient plus souvent l’inactivité, qui dans certains cas, confère à l’enfermement, d’autre part à cause de la bipolarisation de l’emploi féminin, qui progresse principalement dans deux directions opposées, vers les postes qualifiés et vers les postes très peu qualifiés du tertiaire.

Face à la montée du taux d’activité féminin, la figure de la femme indépendante conciliant féminité, vie familiale et vie professionnelle est devenue un modèle, contribuant dans le même temps à dévaloriser l’image de la femme au foyer. Or pour certaines femmes, l’inactivité est subie : par manque de formation adaptée aux demandes du marché, parce qu’elles ont été exclues du marché du travail pour des raisons économiques ou parce que les contraintes domestiques rendent plus « rentable » leur maintien ou leur retour au foyer. L’inactivité des femmes est ainsi plus fréquente dans les milieux populaires, chez les femmes peu diplômées, immigrées ou issues de l’immigration. Dans les milieux aisés, le statut de femme au foyer est plus souvent choisi en accord avec certaines valeurs concernant la vie familiale, il y est également plus fréquemment temporaire. Ainsi les femmes au foyer vivent de manière très différente leur situation : certaines se sentent cloisonnées dans les tâches ménagères et l’éducation des enfants alors qu’elles expriment explicitement leur désir de travailler, d’autres, découragées, se sentent dévalorisées et exclues du monde du travail, d’autres encore investissent pleinement un rôle qu’elles ont délibérément choisi.

Parmi les actives, les conditions de vie peuvent aussi être fortement contrastées. Beaucoup de femmes, ouvrières ou exerçant un emploi du tertiaire d’exécution, voient leurs journées complètement désarticulées par des rythmes de travail atypiques : travail en équipe, horaires décalés ou fractionnés dans la journée. Compte tenu de ces emplois du temps, la prise en charge des tâches domestiques et parentales nécessite une grande organisation et s’effectue souvent au prix de journées épuisantes. « Ce qui a été gagné en indépendance a souvent été perdu en qualité de vie, en particulier dans les catégories les plus défavorisées » [Milewski et al., 2005, p. 2]. Cette situation contraste fortement avec celle des femmes issues de milieux aisés. Celles-ci ont davantage la possibilité « d’externaliser » une partie du travail domestique vers des emplois de services. Elles peuvent ainsi s’investir davantage dans leur carrière professionnelle, leur vie familiale, sociale et culturelle.