3.1.2. Évolutions des pratiques quotidiennes et de fin de semaine

Au quotidien, les individus parcourent toujours plus de kilomètres pour un nombre de déplacements et un budget-temps de transport relativement stables. Entre 1982 et 1994, la distance domicile-travail est ainsi passée de 9 km à 14 km. La diffusion de la motorisation a été le principal vecteur de l’élévation des distances parcourues. Sur la période, l’usage de la voiture particulière s’est accru en fréquence (+23 %) et en distance (+39 % ). Cette augmentation, qui porte essentiellement sur les déplacements effectués en tant que conducteur, a été préjudiciable à la marche à pied (-33 %) et aux déplacements en deux-roues, réduits de moitié. En revanche, sur la période, la part modale des transports publics est restée stable [Orfeuil, 1999].

La diminution du nombre d’actifs au sein de la population (chômeurs, retraités et pré-retraités…) de même que la généralisation de la journée de travail continue, se sont traduites par une modification de la distribution des motifs de déplacement. Les sorties de loisirs et de visites (+33 %) ont augmenté au détriment des déplacements de travail et d’étude (-20 %) et des déplacements liés à l’intendance du ménage (-7 %) [Maffre et Volatier, 1998 ; Orfeuil, 1999]. Entre les deux enquêtes, on observe également une modification de la répartition spatiale et temporelle des déplacements au cours de la journée. Les espaces pratiqués sont plus vastes et l’orientation géographique des déplacements est moins radioconcentrique. Les liaisons internes à la banlieue sont restées stables tandis que les liaisons internes au centre et à la périphérie se sont réduites, au profit des échanges entre bassin de vie [Madre et Maffre, 1997 ; Mignot et al., 2004]. De même, les déplacements effectués aux heures creuses de jour et en début de soirée sont en augmentation alors que les déplacements aux heures de pointe varient peu.

Le week-end 1 , les taux de croissance du nombre de déplacements et des distances sont conformes aux évolutions constatées en semaine. En revanche en fin de semaine, la domination de l’automobile s’est affirmée au détriment des transports en commun (dont la part modale de semaine était pourtant restée stable). L’étalement urbain, le développement d’activités d’achats et de loisirs en périphérie (grande distribution, centres commerciaux, cinéma), ainsi que l’accroissement d’événements culturels ou commerciaux (festivals, foires …) participent de ces évolutions. Les distances parcourues augmentent quel que soit le motif considéré. Cet accroissement est particulièrement significatif concernant les motifs d’achats le samedi (+32 %), et cela alors même que mesurée en nombre de déplacements, leur fréquence diminue (-6 %) [Potier, 2002].

Les évolutions constatées entre 1982 et 1994 sont marquées par le rattrapage de certains groupes, sociaux autrefois peu mobiles. Les écarts de mobilité se sont réduits entre hommes et femmes, actifs et inactifs, jeunes et vieux et même entre catégories modestes et aisées 2 [Gallez et al., 1997 ; Maffre et Madre, 1998]. Cette dynamique doit être rapprochée de l’accroissement du taux d’activité des femmes et du renouvellement générationnel qui ont favorisé la diffusion de la motorisation. Ce mouvement global est toutefois contrarié au plan spatial puisque les écarts tendent à se confirmer entre franciliens et provinciaux, résidants des villes-centre et habitants de périphérie.

Au plan local, les Enquêtes Ménages Déplacements confirment les tendances mises en évidence précédemment. L’élévation des distances parcourues et la dissociation habitat-emploi se vérifie dans toutes les agglomérations, même si compte tenu du périmètre strictement urbain des enquêtes, l’allongement des déplacements domicile-travail a été plus modéré qu’au niveau national. Entre 1990 et 1999, l’augmentation varie autour de 11-13 % à Bordeaux, Toulouse, Anger ou Dunkerque. De même la part modale de la voiture gagne encore de l’importance : dans l’agglomération lyonnaise par exemple, elle est passée de 48 % en 1985 à 53 % en 1995. Des données plus récentes, disponibles pour les agglomérations de Lille (1998), Grenoble (2002) et Bordeaux (1998), permettent de situer aujourd’hui la part des déplacements effectués en voiture autour de 61-62 % et 67 % (Bordeaux). A l’exception de l’Ile-de-France, toutes les agglomérations sont ainsi confrontées à l’augmentation du trafic automobile, toutefois la tendance semble se stabiliser. D’ici vingt ans, la transition automobile sera achevée et le poids démographique croissant des populations âgées devrait nous écarter « des scénarios d’explosion non contrôlée de la mobilité » [Massot et Orfeuil, 2005, p. 220].

Notes
1.

Rappelons que le samedi et le dimanche, seuls les déplacements mécanisés ont été relevés.

2.

Pour un bilan détaillé des évolutions de mobilité par groupe voir Gallez et al. [1997].