3.2.1. Tendances socio-démographiques et niveaux de mobilité

Les transformations du marché de l’emploi, le vieillissement de la population et l’éclatement de la cellule familiale influent de manière plus que transitoire sur les caractéristiques structurelles des ménages. On recense ainsi une part croissante de foyers inactifs, âgés et de petite taille (62 % des ménages comptent une ou deux personnes en 1999). Les personnes vivant seules et les foyers monoparentaux sont passés respectivement de 20 % à 31 % et de 3 % à 7 % entre 1968 et 1999.

Par ailleurs, entre 1975 et 2002, la polarisation de l’emploi au sein des ménages en âge d’être actifs 1 s’est accentuée : l’emploi est saturé dans 68 % des ménages (contre 57 % en 1975) dans le même temps la proportion de foyers inactifs a presque doublé (de 6 % à 12 %) [Ravel, 2005]. Cette situation pénalise fortement les familles monoparentales : plus d’un quart se trouve aujourd’hui sans emploi contre moins de 10 % au milieu des années soixante-dix. Le déclin des ménages mixtes au sens de l’emploi, s’explique par la part croissante de foyer d’un seul adulte ainsi que par la féminisation du marché du travail. Au sein des couples avec enfant, la proportion de ménages où chaque conjoint travaille est passée de 45 % à 62 % sur la période.

Les différentes étapes qui façonnent le cycle de vie de l’individu et du ménage (décohabitation, installation en couple, arrivée des enfants, retraite) sont moins linéaires qu’autrefois. L’allongement des études ainsi que la précarité et la flexibilité du travail retardent l’entrée sur le marché du travail. Ainsi, si la solidarité familiale permet de stabiliser l’âge de décohabitation [Villeneuve-Gokalp, 2001], il reste que l’indépendance financière est acquise de plus en plus tard 2 . En outre, les aller-retours des enfants entre le domicile parental et leur propre logement ne sont pas rares [Laferrère, 2005]. Le décalage temporel constaté en matière d’indépendance se vérifie également quant à l’âge du premier enfant ou du mariage. Plus tardives, les étapes du cycle de vie sont également devenues moins régulières et ces évolutions peuvent également être reliées à la plus grande fragilité des unions qui conduit à une remise en cause de la structure familiale traditionnelle. Enfin, aux âges élevés, l’augmentation de l’espérance de vie fait que les couples vieillissent plus souvent à deux et en meilleure santé, même si en la matière de fortes disparités demeurent entre hommes et femmes.

Ces transformations suscitent des besoins accrus de mobilité autonome qui se traduisent par une nécessité croissante d’accès à la voiture particulière, au moins lorsque les performances des transports en commun ne permettent pas de satisfaire les besoins. L’individualisation des modes de vie et l’instabilité des parcours professionnels et personnels supposent en effet des capacités de réactivité renforcées. Il reste cependant que vis-à-vis de l’équipement automobile « les moteurs principaux de la croissance sont derrière nous ». La progression de la motorisation, plus lente qu’au cours des années précédentes, sera essentiellement portée par le multi-équipement des ménages. « Nous sommes ici à la fin d’un processus à l’œuvre depuis cinquante ans, où les différentes populations ont eu progressivement et successivement accès à la norme de la mobilité rapide, flexible et ont intégré cette norme pour mettre en œuvre leur projet social » [Massot et Orfeuil, 2005, p. 93]. Quant aux modifications du système productif, il semblerait qu’elles ne soient pas tout à fait en mesure de compenser la baisse du taux de croissance de la mobilité liée à l’accroissement continu de la part d’inactifs au sein de la population. Ceux-ci ont en effet des niveaux de mobilité plus faibles, leurs pratiques sont moins concentrées dans le temps mais plus diversifiées en motifs. Au total, ces tendances semblent écarter les scénarios d’une explosion des mobilités au moins au quotidien [Massot et Orfeuil, 2005].

Notes
1.

D’après les calculs de Ravel [2005] à partir des enquêtes sur l’emploi de l’INSEE. Le champ d’observation est constitué des ménages d’au moins un individu âgé de 15 à 59 ans (ni étudiant, ni retraité).

2.

« Dans les générations des années 50, la dépendance complète, définie par la privation simultanée des trois attributs de l’indépendance (travail stable, logement indépendant, vie en couple) ne se prolongeait donc pas à un âge avancé : 3 % des jeunes de ces générations restaient dans cette situation au-delà de 24 ans. A partir des générations de la fin des années 60, ces pourcentages s’élèvent fortement pour être multipliés par 6 parmi les jeunes nés en 1970-1971 (18 %) » [Galland, 2001, p. 21].