3.3.1. L’accès à la mobilité motorisée

Les possibilités de connexions rapides entre les espaces sont dorénavant intégrées dans toutes les décisions de la vie et par tous les acteurs de la vie économique (employeurs, acteurs de la distribution, du tourisme, des loisirs, promoteurs…) [Orfeuil, 2004]. Elles conduisent à une mise en concurrence des individus et des territoires. Ainsi, « il est de moins en moins possible de s’insérer socialement sans avoir accès aux potentiels de vitesse offerts par les moyens de transports motorisés » [Kaufmann et al., 2004, p. 19]. L’automobile a progressivement investi toutes les activités, élargissant le champ des possibles, modifiant le rapport à l’espace et au temps et rendant, dans le même temps son usage, plus individuel et de moins en moins interchangeable avec celui d’autres modes de transport. Dans ce contexte, il semble que les individus modestes sont particulièrement pénalisés par le manque d’accès à la mobilité motorisée. En effet les emplois peu qualifiés se retrouvent plus souvent dans des zones mal desservies par les transports en commun, ils sont davantage exposés aux horaires d’emplois atypiques et peu modulables.

Une analyse dynamique conduite sur une période allant de 1974 à 1997 1 [Hivert et Péan de Ponfilly, 2000], montre que les inégalités face à l’équipement automobile des ménages et à son usage se sont considérablement réduites grâce au rattrapage des ménages modestes (Tableau 5). Le taux de croissance annuel moyen de la motorisation du premier quartile de la population a été plus de deux fois supérieur à celui du quatrième quartile, respectivement 3,4 % contre 1,5 %.

Tableau 5 : Évolution des inégalités entre 1974 et 1997
  1er Quartile 4e Quartile
  1974 1997 1974 1997
Ménage non équipé (%) 76 49,5 9,4 3
Ménage multi-équipé (%)
Ménage d’au moins 2 adultes (%)
1,3
5,3
5,9
15
28,2
37,1
63
67,9
Nb voiture/ménage 0,25 0,56 1,21 1,71
Kilométrage annuel/voiture 9274 11439(1) 15106 16001(1)
(1)Résultat pour l’année 1994

Source : Enquête Parc auto 97 Ademe-Inrets-Sofres, in Hivert et Péan de Ponfilly, 2000, pp. 52-53

Cependant des écarts très significatifs subsistent encore (Tableau 5) : la motorisation est tout juste majoritaire au sein des ménages les plus pauvres (51 %) alors qu’elle est généralisée pour les plus aisés (97 %). Au sein de cette catégorie, les ménages non-équipés se recrutent dans les capitales ou sont souvent trop âgés pour conduire. En outre, les disparités se sont considérablement creusées en matière de multi-équipement des ménages : +10 points et +31 points respectivement dans le premier et dans le quatrième quartile entre 1974 et 1997. Les inégalités concernant l’accès au permis de conduire vont de pair avec celles observées sur le nombre de voitures. Ainsi, parmi les ménages aisés presque tous les adultes détiennent le permis, dans les ménages pauvres ils sont à peine plus d’un adulte sur deux.

Notes
1.

Le panel « Parc Auto 1997 » (ADEME-INRETS-SOFRES) regroupe un échantillon de 7000 ménages représentatifs de la France entière. Dans ce travail, le revenu annuel déclaré par le ménage est classé en quintiles. A titre informatif on notera que les ménages les plus pauvres (Q1) déclarent, à cette date, un revenu annuel inférieur à 75 000 F et les plus riches (Q5) un revenu annuel supérieur à 200 000 F.