1.1.1. États-Unis : focalisation sur l’accès à l’emploi

Outre-Atlantique la recherche sur les enjeux sociaux des politiques de transport, fortement influencée par l’hypothèse du spatial mismatch, s’est essentiellement concentrée surl’accessibilité physique au marché du travail des individus à bas revenu. Des approches plus globales visant à intégrer l’ensemble des motifs de déplacement de la vie quotidienne (achats, loisirs, visites…) tendent à se développer, mais elles restent encore marginales [Clifton, 2003]. L’approche américaine diffère ainsi fortement de la logique française puisqu’en France la problématique de l’accès à l’emploi est incluse dans la thématique plus large de l’accessibilité à la ville, et ne constitue à ce titre, qu’une finalité parmi d’autres de la politique des transports [Ghorra-Gobin, 2001].

Aux États-Unis, les difficultés de mobilité vers l’emploi sont particulièrement aiguës pour les individus à bas revenu, souvent localisés dans les « ghettos » des centres urbains alors que l’emploi peu qualifié s’est fortement délocalisé en banlieue. En outre, le Personal Responsability and Work Opportunities Reconciliation Act (1996) a initié une vaste politique de remise au travail des bénéficiaires des aides sociales. Le passage d’une politique de welfare à une politique de workfare (ou welfare-to-work), a suscité un certain renouveau des recherches.

Les travaux qui se proposent de tester l’impact de la déconnexion spatiale entre lieu de résidence et lieu d’emploi sur les possibilités de retour au travail, produisent des résultats discutés. D’autres facteurs explicatifs que la seule dimension spatiale sont alors avancés : faible qualification, discrimination raciale à l’emploi et au logement, absence de motorisation [Ross, 1998 ; Taylor et Ong, 1995]. La plupart des travaux sont très perplexes quant au rôle positif des transports publics [Ong et Blumenberg, 1998 ; Sanchez, 2002 ; Sanchez et al., 2004], mais dans ce domaine les avis restent également controversés [Kawabata, 2002]. Certains plaident ouvertement pour faciliter la motorisation des ménages à bas revenu qui apparaît comme la seule solution capable de rétablir rapidement l’équilibre dans l’accessibilité des individus [Cervero et al., 2002 ; Gardenhire et Sermons, 1998 ; Murakami et Young, 1997].

Ces recherches ont été suivies de mesures concrètes, pas uniquement circonscrites à l’amélioration de la planification urbaine et des transports publics (même si l’offre s’est améliorée en termes d’horaires et d’itinéraires pour tenir compte des spécificités de certains emplois). Des systèmes de prêts de véhicules engageant les employeurs, des aides financières à la motorisation par le biais de prêt à faibles taux sont également envisagés [Cervero, 2004].