2.2.2. Le choix d’une échelle d’équivalence

Selon l’INSEE, le niveau de vie d’un ménage correspond au revenu disponible divisé par le nombre d’unités de consommation qui compose le foyer. En ramenant le revenu disponible à un revenu par équivalent-adulte, l’intégration de la composition du ménage facilite la comparaison des revenus entre ménages de taille différente. Le choix d’une échelle d’équivalence permet de tenir compte des économies d’échelle réalisées grâce au partage de biens à usage collectif (logement, équipement du ménage…). Elle reflète également les économies d’échelle réalisées dans la consommation privée, grâce au lien décroissant entre coûts unitaires et quantités achetées. Cette solution repose sur l’estimation faite des coûts monétaires additionnels, générés par tout membre supplémentaire du foyer, en partant de l’hypothèse que la relation entre les dépenses du ménage et sa composition n’est pas proportionnelle : « plus les biens collectifs représentent une part importante de la consommation des ménages, plus les économies d’échelle sont importantes, et plus l’échelle d’équivalence prend une valeur faible » [Hourriez et Olier, 1997, p. 68]. Cette méthode permet de tenir compte des différentiels de coûts liés à l’âge, en distinguant par exemple les enfants des adultes.

En dépit de justifications intuitives incontestables, la détermination d’une échelle d’équivalence est plus complexe qu’il ne paraît a priori car elle est soumise à un certain nombre de conventions plus ou moins implicites qui suscitent de nombreuses controverses [Lechene, 1993]. La plupart des modèles supposent par exemple, que le ménage se caractérise par un système unique de préférences et que tous les membres du ménage disposent d’un même niveau de vie (l’inégalité interne au ménage n’est pas prise en considération), ce que ne confirment pas toujours les résultats empiriques. Autre hypothèse controversée, on considère le plus souvent que les coûts supplémentaires liés à une modification de la composition du foyer sont indépendants du niveau de revenu initial 1 , bien que les tests conduisent en général rejeter ce postulat initial. En tout état de cause, bien que ces échelles soient difficiles à estimer et bien qu’il n’existe pas vraiment d’accord sur les hypothèses qu’elles sous-tendent, il paraît difficile de considérer qu’elles n’ont aucun intérêt pour évaluer le bien-être d’un ménage.

En France, l’échelle d’équivalence la plus connue, utilisée depuis les années cinquante, est celle d’Oxford. Le premier adulte sert de référence et compte pour un, tandis que le poids attribué aux autres individus dépend de leur âge : les personnes de 14 ans et plus comptent pour 0,7 et les moins de 14 ans pour 0,5. Cependant, les travaux réalisés par l’INSEE aboutissent à une remise en cause de cette échelle qui ne correspondrait plus aux modes de consommation actuels et qui sous-estimerait les économies réalisées par les ménages de plusieurs personnes [Hourriez et Olier, 1997]. Rappelons qu’elle a été construite à une époque où l’alimentation captait une part importante du budget des ménages [Legris et Lollivier, 1996]. Aujourd’hui, les estimations réalisées à partir des enquêtes « Budget de famille », préconisent l’utilisation de « l’échelle INSEE » qui attribue une unité de consommation au premier adulte du ménage, 0,5 à chaque individu de 14 ans ou plus et 0,3 aux enfants de moins de 14 ans. Cette échelle, que nous utiliserons dans la partie empirique de ce travail, est tout à fait similaire à « l’échelle OCDE modifiée » utilisée à EUROSTAT et à celle utilisée par Atkinson et al. [1995] pour des comparaisons de revenus dans les pays de l’OCDE 2 .

Notes
1.

Cette hypothèse est dénommée Equivalence Scale Exactness ou Independance of Base.

2.

Il semble toutefois que cette échelle ne soit pas totalement satisfaisante pour les ménages éloignés des « modes de vie standards ». Ainsi, le mode de calcul d’un revenu équivalent-adulte suppose que les besoins d’une famille monoparentale sont inférieurs à ceux d’un couple alors que l’on peut raisonnablement penser qu’il existe plus de complémentarités en termes de goûts, de consommation et de compétences dans un couple de deux adultes que dans un ménage d’un adulte avec un enfant [Hourriez et Olier, 1997].