2.3.2. Les initiatives visant à élargir les critères d’appréciation du bien être social

L’inconvénient des mesures basées sur le calcul d’un indicateur d’inégalité est qu’elles supposent que le bien-être est uniquement déterminé par le revenu. Or le bien-être dépend de plusieurs paramètres comme l’état de santé, l’alimentation, l’alphabétisation, la situation face au logement…

La recherche d’une approche plus qualitative du bien-être social s’est illustrée à travers le calcul de l’Indicateur de Développement Humain (IDH) construit par le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) à partir de la compilation annuelle de données portant sur différents pays 1 . Elle s’est également développée à l’échelle nationale. Des initiatives intéressantes de création d’indicateurs de mesures composites ont vu le jour dans les années quatre vingt dix, comme le Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté en France (BIP 40), lancé par le Réseau d’Alerte sur les Inégalités (RAI). Cet indice tente de synthétiser la situation relative à six grands domaines : l’emploi, le revenu, la santé, l’éducation, le logement et la justice. On peut également citer l’indice de sécurité personnelle (Personal Security Index, PSI) canadien qui prend en compte la sécurité économique (emploi et ressources), la sécurité physique et la sécurité face à la maladie [Boidin, 2004].

L’ambition des indicateurs composites est grande puisqu’ils tentent de résumer en un chiffre unique la situation de différentes dimensions du bien-être social. S’il s’agit d’un apport considérable dans la mesure des inégalités, le recours à ce type de mesures reste toutefois assez marginal, notamment au niveau national. Cette situation est sans doute à rapprocher des difficultés méthodologiques soulevées par la construction de tels indices. De plus ces initiatives ne font pas l’objet d’un consensus au sein des économistes. Certains les jugent vaines et inutiles car d’une part le revenu reste la composante la plus déterminante et la plus intuitive pour mesurer l’inégalité et d’autre part, la plupart des autres dimensions du bien-être lui sont, au moins partiellement, corrélées 1 .

Notes
1.

L’IDH synthétise la situation au regard de trois principales composantes du bien-être : le revenu monétaire (PIB par habitant en PPA), la santé (espérance de vie à la naissance), l’éducation (taux d’alphabétisation et taux de scolarité), pondérées de manière identique. D’autres indicateurs, moins connus mais construits selon la même philosophie comme l’Index of Human Progress (IHP) ou le Quality of Life Index (QLI), tentent d’améliorer la mesure du bien-être en intégrant les dimensions politique (situation au regard des libertés humaines) et psychologique (critère d’évaluation subjectif de la situation personnelle).

1.

Pour une illustration des oppositions rencontrées dans ce domaine, on se réfèrera au débat de l’été 2004 paru dans Le Monde et opposant P. Concialdi, J. Gadrey, C. Lévy et M. Maric (membres du RAI) à J-M. Charpin et B. Fragonard, respectivement directeur général de l’INSEE et président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES). Tout en soulignant l’intérêt des efforts menés pour encourager une approche multidimensionnelle des inégalités et de la pauvreté, les deux directeurs insistent sur l’avantage d’une approche monétaire : plus régulière, moins soumise aux considérations subjectives et plus facilement comparable dans le temps. Voire Concialdi, Gadrey, Lévy et Maric [2004], « Cohésion sociale : des politiques à l’aveuglette », Le Monde, 2 juillet 2004 et Charpin et Fragonard [2004], « Qui est pauvre en France ? », Le Monde, 22 juillet 2004.