Chapitre 3 : Accès à l’automobile : diffusion élargie, inégalités subies

Les atouts de l’automobile (choix des itinéraires, disponibilité, rapidité…) en font souvent l’instrument indispensable à la réalisation de programmes d’activités serrés qui s’inscrivent sur des territoires de plus en plus éclatés et distants. Dans le même temps, l’accès d’une proportion croissante de la population à l’automobile modifie la configuration spatiale des lieux et le rapport au temps, de sorte que les territoires et les modes de vie s’organisent de plus en plus souvent autour de cette domination automobile. Ainsi, la généralisation de la conduite automobile exerce un pouvoir coercitif sur les individus en rendant les emplois du temps de plus en plus flexibles dans le temps et dans l’espace [Urry, 1999] 1 . La voiture est passée en quelques décennies de l’ordre du choix à celui du nécessaire [Dupuy, 1995].

Dans ce contexte, l’usage de l’automobile, autrefois accaparée par le chef de ménage, tend à s’individualiser, comme en témoigne l’augmentation de la part des ménages multiéquipés depuis 1970 et la généralisation du passage du permis de conduire. Cette démocratisation de la voiture, qui cache encore des niveaux d’accès très différents selon le revenu, mérite une attention particulière, dans la mesure où l’aptitude à la mobilité autonome n’est pas sans conséquence au plan social. L’automobilité, souvent représentée comme un gage de liberté et d’indépendance, devient une norme dans les sociétés modernes et constitue de fait un puissant discriminant de l’insertion sociale des individus. Il nous semble en effet qu’aujourd’hui, les inégalités de motorisation, se jouent sur l’individualisation du bien automobile.

Dans ce chapitre, nous présenterons successivement les modalités d’accès différencié des ménages (1.)et des individus (2.) à la voiture particulière. Quatre indicateurs nous permettront d’analyser précisément le rôle du revenu sur le niveau de motorisation des ménages et sur l’accès individuel au volant :

  • le pourcentage de ménages équipés d’au moins une voiture particulière, qui dans un contexte de large diffusion permet d’analyser les principales causes de non-équipement (1.1.),
  • le nombre de voitures par unité de motorisation, qui permet de préciser les niveaux de motorisation en s’affranchissant de l’effet mécanique lié au nombre d’adultes du ménage (1.2.)
  • la proportion d’individus titulaires du permis de conduire (2.1.)
  • le pourcentage d’individus disposant d’un accès régulier et autonome à la voiture particulière (2.2.).
Notes
1.

« Automobility is a Frankenstein-created monster, extending the individual into realms of freedom and flexibility whereby inhabiting the car can be positively viewed, but also constraining car ‘users’ to live their lives in spatially –stretched and time compressed ways » [Urry, 1999, p. 7].