1.1.1. Génération, cycle de vie, localisation, d’importantes différenciations

1.1.1.1. L’impact des facteurs socio-démographiques

Compte tenu du processus de diffusion de la voiture particulière 2 , les caractéristiques générationnelles des foyers s’avèrent les plus discriminantes concernant l’équipement des ménages [Bodier, 1996 ; Jansson, 1989 ; Madre et Gallez, 1993] : la plupart des ménages non motorisés sont âgés et ne comptent aucun titulaire du permis de conduire.

La diminution de la part des ménages équipés s’amorce timidement à partir de 60 ans (73 % de ménages équipés) avant de devenir très sensible chez les 75 ans et plus (38 %). Lorsque les ménages des générations les plus anciennes se sont équipés, l’achat d’une voiture a surtout bénéficié à l’actif principal du ménage, souvent le seul, c’est-à-dire à l’époux [Pochet, 1994]. Ainsi, en 1995, dans l’agglomération lyonnaise, plus de la moitié des foyers non motorisés sont des femmes seules de plus de 60 ans, souvent des veuves dont le conjoint était le seul conducteur. Du fait de modes de vie très sexués au sein de ce groupe, les effets de cycle de vie touchent plus tôt et plus fortement les femmes que les hommes. Entre 60 et 74 ans, 41 % des femmes seules disposent d’une voiture contre 55 % de leurs homologues masculins, ces niveaux s’élèvent seulement à 8 % pour les femmes et 54 % pour les hommes après 74 ans (Graphique 6). Ces différences importantes liées au genre seront amenées à se réduire dans les années à venir « (…) les femmes qui seront âgées de 75 à 80 ans entre 2015 et 2020 (et qui arrivent à 60 ans actuellement) seront à plus de 80 % détentrices du permis de conduire », [Pochet, 2003]. Cependant, les différenciations sexuées restent importantes chez les jeunes ménages et elles se maintiennent encore tout au long du cycle de vie.

Graphique 6 : Équipement automobile du ménage selon l’âge et le genre de la personne de référence

Source : EMD de Lyon 1994-1995

Les caractéristiques des ménages non motorisés traduisent bien un processus de « transition démographique par rapport à l’automobile » [Orfeuil, 1999]. Ainsi, la baisse de l’équipement automobile à partir de 60 ans, qui pourrait être hâtivement interprétée comme une démotorisation des ménages en fin de cycle de vie, résulte pour une large part d’effets générationnels liés à une moindre diffusion de la voiture particulière parmi les ménages les plus âgés, en particulier chez les femmes seules [Gallez, 1995]. L’avancée en âge qui s’accompagne d’une diminution des contraintes et d’une modification de la structure du ménage n’épuise pas la question de la baisse de l’équipement des ménages les plus âgés qui appartiennent encore à une génération peu motorisée. Il reste qu’en fin de cycle de vie, les effets d’âge et de génération ont tendance à se cumuler, sans qu’il soit possible d’évaluer précisément l’impact de chacun. Il paraît néanmoins incontournable que le renouvellement des générations se traduira par une nette réduction des écarts entre le milieu et la fin du cycle de vie et ainsi qu’entre les personnes seules et les couples après 60 ans.

Dans l’agglomération lyonnaise, moins de la moitié des ménages de 18-24 ans (47 %) disposent d’un véhicule particulier. Bien entendu, on se trouve ici face à des comportements d’équipement encore peu stabilisés puisque beaucoup sont encore étudiants (63 %) : il semble en effet difficile d’accéder à la voiture particulière lorsque l’on est étudiant, à la recherche d’un premier emploi ou avec un emploi mal rémunéré. Néanmoins, des approches longitudinales soulignent une diminution du taux d’accession à l’automobile des ménages les plus jeunes [Gallez, 1995 ; Gallez et al., 1997]. Chauvel rapproche cette situation des difficultés rencontrées par le « modèle social de développement des trente glorieuses, qui fût notamment le temps de l’émergence de la civilisation automobile, dont visiblement la dynamique générationnelle est mise à mal, les cohortes nées trop tard pour connaître la période de croissance rapide consacrant en effet à la voiture de moindres dépenses » [Chauvel, 1998, p. 178]. Mais la situation des jeunes ménages est complexe compte tenu de la forte hétérogénéité du groupe, ainsi « la baisse du taux d’équipement s’accompagne d’une augmentation du taux de multiéquipement, suggérant de fortes disparités entre jeunes ménages également », [Gallez et al. 1997, p. 30]. Il semblerait toutefois, que la solidarité générationnelle intra-familiale ait permis de compenser la diminution du taux d’accession [Augello et Feitler, 1999].

Le principal événement dans le parcours de vie du ménage, favorisant l’équipement automobile est l’installation en couple : 94 % des couples de moins de 35 ans sans enfant disposent d’au moins une voiture, soit 21 points de plus que leurs homologues vivant seuls (73 %). L’arrivée des enfants se traduit par une augmentation très modérée (+2 points) de la part des ménages équipés, déjà très importante chez les couples. Au regard de ces résultats, l’équipement des familles monoparentales apparaît très faible et cela renvoie vraisemblablement à des difficultés économiques. En dépit d’importantes contraintes spatio-temporelles, elles ne sont que deux tiers à être motorisées.

Une fois la génération et le cycle de vie du ménage déterminés, les niveaux d’équipement en automobiles sont assez peu sensibles aux autres caractéristiques du ménage.

Notes
2.

L’essor de l’automobile commence dans les années 50 en Europe, jusqu’au milieu des années 60 ans, c’est la phase de grande diffusion, du milieu des années 60 au milieu des années 80, la diffusion atteint un rythme de croisière, depuis la progression est plus lente, nous sommes entrés dans une phase de saturation [Madre et Lambers, 1989].